End of the moratorium on logging in the DRC ?
> The Congo Basin contains the second largest rainforest in the world, including 314 million hectares of ecologically significant primary rainforest. In May 2002, in response to what threatened to become widespread looting, a moratorium on logging concessions was enacted for the first time in the DRC.
Suite à une vague d’allocations illégales obtenues par corruption, ce moratoire a été renforcé en 2005 par un décret présidentiel qui prévoit trois conditions pour la levée du moratoire :
- La conversion d’anciens titres d’exploitation forestière en contrats de concession forestière, condition remplie en 2014.
- L’adoption d’un processus transparent d’attribution des concessions qui a, en théorie, été remplie par l’arrêté ministériel n°08/09 du 08 avril 2008.
- Une « programmation géographique » associée à « un processus consultatif » visant à prendre en compte les droits coutumiers.
Officiellement, jusqu'en 2019 seuls un peu plus de 11 millions d'hectares (110 000 km²) ont été concédés par l'État à des industriels pour l'exploitation du bois. Dans les faits, les photos satellitaires permettent d’évaluer le développement tentaculaire mal contrôlé de cette activité attesté par les nombreuses de nouvelles voies de pénétration dans les massifs forestiers.
> Alors que fin juin, le Gabon est devenu le premier pays du continent à recevoir des fonds internationaux pour poursuivre ses efforts contre la déforestation (dix-sept millions de dollars, décaissés via l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale), le gouvernement de RDC s’apprête à lever le moratoire de 2002 sur l'attribution de nouvelles concessions ; ce serait « une mesure urgente » dans le cadre d’un projet global au nom de la gestion durable des ressources naturelles du pays.
Les ONG – dont notamment Greenpeace et Rainforest – ne comprennent pas l’empressement du gouvernement congolais et dénoncent le flou et l’absence de planification concernant l’utilisation des terres. Selon elles, la levée du moratoire, dans les conditions actuelles, pourrait permettre de tripler la superficie de l’exploitation forestière dans des zones abritant « des milliers de communautés locales et de peuples autochtones » ainsi que « des espèces menacées ». Parmi les zones susceptibles d'être cédées aux forestiers, « il y aurait plus d'un million d'hectares dans des tourbières », dont l'exploitation pourrait, selon elles, libérer une quantité de dioxyde de carbone estimée à plus de 10 milliards de tonnes.
> L’évaluation faite en 2018 par Rainforest sur l’exploitation forestière industrielle (cf. document d'appui) reste toujours d’actualité. Les principaux indicateurs sociaux et économiques montrent qu’elle a de mauvaises performances. L’activité des entreprises forestières en RDC n’a généré que 1 998 575 US $ de recettes fiscales en 2016, soit à peu près 0,03 $ par habitant.
Les conditions du Cahier des charges, qui impliquent que les compagnies forestières sont tenues légalement, auprès des populations locales, à la construction d’infrastructures de base comme des écoles et des centres de santé, sont rarement remplies alors que les conflits sociaux liés aux concessions sont monnaie courante.
En mars 2017, seulement 9 concessions forestières sur 57 en RDC présentaient des plans de gestion validés (mais impossible de vérifier leur qualité ou s’ils sont mis en œuvre). De plus, 29 concessions avaient passé le délai des 5 ans pour obtenir un plan de gestion, et étaient donc devenues illégales.
Concernant la troisième clause de levée du moratoire – la « programmation géographique » et « le processus consultatif » – cette condition du décret présidentiel de 2005 pourrait, en théorie, facilement être remplie car ces termes ne sont pas définis.
En février 2018, le ministère de l’Environnement signale que la télédétection des réserves de bois en cours dans la province de Bandundu répondait à ces critères. Cependant, comme le montre MappingForRights, toute interprétation restrictive de la programmation géographique qui ne prend pas suffisamment en compte les autres revendications ou usages forestiers aggraverait certainement les problèmes déjà existants, mais serait aussi incompatible avec les engagements de la RDC envers REDD ainsi qu’un certain nombre de normes et d’accords internationaux dont elle est signataire.
Pour être en phase avec ceux-ci, toute programmation géographique devrait être intégrée dans des processus plus larges d’aménagement des terres. Ces processus sont de nature multisectorielle et ils garantissent aux communautés forestières leurs droits fonciers, une participation active ainsi que leur consentement libre, préalable et éclairé (CLIP). Certains principes fondamentaux doivent être respectés :
- La programmation géographique doit prendre en compte les droits coutumiers. De plus en plus de preuves démontrent que peu de zones forestières de la RDC ne sont soumises à aucune forme de revendications ou d’usages coutumiers. La tenure foncière et les ressources forestières cartographiées, dans le cadre du programme de MappingForRights, par près de 700 communautés couvrant environ 4,5 millions d’hectares dans les provinces de Mai Ndombe, de l’Équateur et du Maniema, montrent l’étendue de ces revendications non reconnues dans les régions cartographiées, mais aussi comment elles se superposent fréquemment sur des concessions d’exploitation industrielle.
- La programmation géographique doit défendre le droit à la consultation. Même si le décret de 2005 ne définit pas clairement le concept de « processus de consultation », le Décret n° 14/019 du 2 août 2014, qui précise les méthodes utilisées pour mener les enquêtes publiques avant l’assignement de nouvelles concessions, affirme, quant à lui, l’obligation légale de consulter les communautés locales avant toute nouvelle attribution. En tant que signataire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), le gouvernement est aussi tenu à aller au-delà de la simple « consultation » des peuples autochtones habitant sur ses terres, et doit donc obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé. Dans les faits, plusieurs violations du moratoire ont été observées ces dernières années. Celui-ci a également subi les pressions de groupes favorables à l’exploitation forestière. Selon eux, le moratoire a privé l’État et l’économie rurale d’un revenu nécessaire et serait à l’origine de l’augmentation des concessions forestières illégales dans le pays.
> Sauver les forêts tropicales est un objectif « extrêmement ambitieux (mais) il n’y a pas d’alternative si nous voulons éviter un changement climatique catastrophique ». Tel est l’avis de Bard Vegar Solhjell, directeur de l’Agence norvégienne de coopération au développement (Norad) qui finance l’opération gabonaise et consacre des centaines de millions de dollars à la lutte contre la déforestation dans différentes parties du monde. Pour le patron de l’agence norvégienne, l’exemple gabonais a le mérite de la clarté : « Nous payons les services que le Gabon rend à la région et au monde entier ».
Mais selon Plinio Sist, écologue du CIRAD coordinateur du réseau TmFO (Tropical managed Forests Observatory), cela ne suffit pas. Les actuelles règles d’exploitation du bois d’œuvre ne permettent pas une reconstitution durable du stock prélevé et les forêts tropicales (après exploitation) ne pourront ainsi pas répondre à la demande de bois croissante du marché d’ici 30 ans. Même si la biodiversité et la biomasse semblent se reconstituer assez rapidement, en 20-25 ans (la biodiversité demeure, à plus de 80 %, celle d’avant exploitation), les données montrent, d’une façon générale, que les durées de rotation de 25-35 ans en vigueur dans la plupart des pays tropicaux sont largement insuffisantes pour reconstituer totalement le volume de bois prélevé, et que la reconstitution du stock de bois prélevé ne dépasse pas 50 %, 30 ans après la première exploitation.
Pour une gestion durable, les principes de la sylviculture tropicale et la place des forêts naturelles tropicales de production sont à revoir complètement. Il est urgent de mettre en œuvre dès maintenant une sylviculture tropicale diversifiée, alliant production de bois d’œuvre issue de forêts naturelles, de plantations mixtes, d’agroforêts (terme désignant des systèmes forestiers complexes créés par les humains, dotés d’une structure multi strate de la végétation et d’un fonctionnement écologique similaire aux forêts naturelles) et de forêts secondaires (se régénérant sur des zones déboisées laissées à l’abandon).
Le récent engouement pour la restauration forestière dans le cadre du défi de Bonn, ou la toute récente proclamation de la décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), sont autant d’opportunités à saisir pour mettre en œuvre cette nouvelle approche sylvicole en région tropicale. Parallèlement, la lutte contre l’exploitation illégale et la déforestation, qui continuent à fournir le marché du bois à moindres coûts et concurrencent tout système d’exploitation visant la durabilité à long terme doivent être vigoureusement combattues.
> Compte tenu de la synchronicité des événements, une question reste en suspend : la provocation que constitue la levée précipitée du moratoire alors que les conditions requises ne sont pas remplies vise-t-elle à repartir sur de nouvelles bases saines comme le prétend le gouvernement (mais lesquelles ?) ou peut-elle être assimilée à une simple manœuvre visant à obtenir – comme le Gabon – une rétribution pour la reprise en main de ce domaine d’activité dans le bassin du Congo ?
Document complémentaire en téléchargement
• Rainforest Fundation : En désaccord : Le moratoire sur l''exploitation forestière, la programmation géographique et cartographie communautaire en RdC |