♦ Durant ces dernières décennies, la mise en place des aires protégées a été justifiée par la théorie de l'équilibre en biogéographie insulaire. Pour de nombreux chercheurs et gestionnaires, les aires protégées constituent des îlots au sein d'un ensemble différent - cultivé ou urbanisé - analogues aux îles du domaine maritime qui sont considérées comme un habitat favorable environné d'un habitat non favorable.
Scientifiques et conservateurs ont tenté d'établir un parallèle entre des îles isolées en mer ou dans un océan et des aires protégées isolées dans des espaces dégradés ou détruits. Les auteurs d'origine britannique ont appelé cette théorie (single large or several small [SLOSS], une seule grande ou plusieurs petites). Plusieurs principes de conservation furent exposés sur la base du postulat qu'il était préférable de disposer d'une aire protégée de grande superficie plutôt que de plusieurs aires protégées de faible superficie car les risques d'extinction sont ainsi réduits, en application de la théorie de l'équilibre. En d'autres termes, les communautés riches en espèces abritent tous types d'espèces, y compris celles rencontrées dans des communautés pauvres en espèces. Toutefois, ceci n'est pas nécessairement le cas pour les espèces endémiques ou pour les taxa qui ont été relégués dans des refuges de petite taille. Aussi, était-il important de considérer si une aire protégée est définie pour accueillir autant d'espèces que possible ou pour protéger un faible nombre d'espèces vulnérables. La théorie de l'équilibre de la biogéographie insulaire suggère que les systèmes d'aires protégées devraient contenir des éléments les plus étendus possibles, et que la distance entre les aires protégées devrait être la plus petite possible. Les plus grandes aires protégées devraient contenir les plus grands nombres d'espèces et donc contribuer au mieux à la préservation de la biodiversité.
Les résultats initiaux de l'application de cette théorie aboutirent à la définition de quatre stratégies :
• Les aires protégées doivent être aussi grandes que possible à l'image des grandes îles qui sont réputées moins sensibles aux risques d'extinction ;
• Des biotes uniques devraient être inclus dans autant d'aires protégées que possible et ces aires devraient être situées à proximité les unes des autres. Si l'une d'entre elles subit une extinction locale d'une espèce donnée, une autre aire protégée située à proximité pourrait fournir la base d'une reconquête ;
• Les aires protégées doivent être aussi circulaires que possibles pour minimiser l'effet de lisière. Ceci est fondé sur l'effet péninsule qui montre une tendance à une biodiversité plus basse. En réduisant les effets de lisière, on diminue les potentialités d'invasion par des espèces exotiques et par des perturbations extérieures ;
• Les gestionnaires et les conservateurs devraient prioriser les biotes avec la plus grande quantité d'endémisme et de vulnérabilité à la perte d'habitats.
> Cependant, créer une aire protégée de grande dimension n'est pas toujours facile en raison des contraintes physiques et de l'occupation du sol par les activités humaines. Si elle doit être fractionnée, la mise en place de corridors permettant de garantir la proximité et la connectivité entre les différentes sous-unités est nécessaire, avec cependant le risque que ces corridors puissent également être utilisés par des pathogènes et des maladies, ce qui nécessite donc une définition très stricte de leur emplacement. Bien qu'il soit accepté que le nombre d'espèces d'une aire protégée est une fonction croissante de la surface, des prédictions plus spécifiques ont donné lieu à un large débat notamment parce que l'utilisation de la courbe existant entre la surface et le nombre d'espèces ne peut être complète en raison d'éléments divers biotiques et abiotiques qui viennent interférer. Enfin, la théorie ne parle pas de l'identité des espèces qui risquent de s'éteindre.
Représentation schématique de la théorie du SL
Les grandes réserves contiennent plus d'espèces, perdent des espèces plus lentement et souffrent moins des effets délétères de l'isolement des habitats que les réserves plus petites. Les réserves isolées des autres aires d'habitats par des paysages très vastes mais inhospitaliers, vont accueillir moins d'espèces que celles qui sont plus proches de paysages plus naturels. La fragmentation des habitats affecte les espèces de différentes façons. Certaines déclinent fortement ou disparaissent dans les fragments tandis que d'autres demeurent stables et que d'autres enfin augmentent, parfois très fortement.
Les espèces les plus sensibles à l'extinction ne se rencontrent souvent que dans les grandes réserves, favorisant ainsi la stratégie d'une seule grande réserve, bien que de petites réserves, éparpillées dans une région, peuvent abriter des espèces à faible répartition qui, sans cela, ne seraient pas protégées. Les perturbations écologiques, comme le feu ou les invasions d'insectes peuvent également jouer un rôle. Pour cette raison, la superficie d'une aire protégée devrait être toujours plus grande que la plus grande perturbation afin de permettre la reconquête interne par les espèces survivantes.
Enfin, les aires protégées ne ressemblent pas tout à fait à des îles, ce qui réduit la possibilité d'utiliser la théorie de la biogéographie insulaire. Leurs limites sont souvent plus liées à des contraintes économiques et politiques qu'à l'intégration de l'ensemble d'un écosystème. Parfois, il n'y a pas de choix, le contexte politique imposant d'accepter n'importe quelle surface, pourvu qu'une aire protégée puisse être définie. Aussi, la réponse à la question « une grande aire protégée plutôt que plusieurs petites » dépend des objectifs, des espèces que l'on cherche à préserver et pourquoi, et enfin des ressources disponibles.
Représentation des empires biogéographiques
♦ Équivalent étranger : Island biogeography adapted to protected areas.