♦ Analyse des manques en protection d'éléments essentiels de la biodiversité, intégrant les espèces rares et menacées, les communautés naturelles ou les écosystèmes qui ne sont pas suffisamment dans un réseau de protection déjà en place. L'objectif est de déterminer les fragilités dans la stratégie de création d'aires protégées et d'y remédier par la mise en place d'aires protégées visant à intégrer les éléments oubliés. L'évaluation va permettre de prioriser les efforts à mettre en œuvre et de développer les stratégies les plus appropriées pour combler les lacunes, avec le meilleur rapport coûts/avantages.
L'analyse des lacunes fournit une vue d'ensemble sur la distribution et le statut de conservation de différents composants de la biodiversité. Elle repose sur la distribution de la végétation actuelle et prédit la distribution des vertébrés terrestres et, quand cela est possible, des invertébrés. Les cartes fournissent la distribution des espèces, les zones de plus forte biodiversité et les types de végétation qui ne sont pas ou mal représentés dans les aires protégées existantes. Elle est une analyse première d'études plus détaillées nécessaires pour établir les limites actuelles pour la planification et la gestion des ressources biologiques.
L'évaluation peut être une comparaison des zones où la biodiversité est protégée ou non ou peut prendre la forme d'une analyse très détaillée faisant appel à l'utilisation de logiciels de décision.
Le processus doit cependant être révisé et amélioré au fur et à mesure que des connaissances nouvelles sont acquises ou que les conditions environnementales changent. Le processus sera d'autant couronné de succès qu'il reposera sur une approche participative des principales parties prenantes voisines des aires protégées, et notamment les communautés autochtones.
> On distingue généralement plusieurs types de lacunes dans un réseau d'aires protégées :
• Lacunes de représentation >> Une espèce ou un écosystème du pays ne sont pas représentés dans une des aires protégées ou ils sont insuffisamment représentés pour assurer une protection à long terme
• Lacunes écologiques >> L'espèce ou l'écosystème sont présents dans le système d'aires mais dans une condition écologique non favorable, ou sans que les mouvements de l'espèce ou les éléments nécessaires à sa survie à long terme ou à son fonctionnement soient présents. Elle est fondée sur les meilleures données disponibles, qui peuvent changer d'une année à l'autre et une actualisation tous les trois ou quatre ans est nécessaire, particulièrement dans un environnement à fort changement dynamique.
• Lacunes de gestion >> Le type de gouvernance mise en place dans les aires protégées, de même que les modalités d'application de la gestion, ne sont pas compatibles avec la conservation à long terme des espèces ou des écosystèmes. Les aires protégées peuvent n'exister que sur le papier ou ne pas être gérées. Dans ce cas, la question à se poser est celle de l'opportunité de créer d'autres aires protégées ou d'établir des corridors entre des aires protégées existantes.
Différentes décisions doivent être prises pendant le processus d'évaluation des lacunes, telles que choisir les éléments clés de la biodiversité, décider comment mesurer les menaces, prioriser les résultats et développer des stratégies. Ces décisions doivent être ouvertes et transparentes. Si une évaluation des lacunes est totalement mise en œuvre, les planificateurs doivent insister pour un processus inclusif et totalement participatif avec des parties prenantes en provenance d'un grand éventail de secteurs.
> Une évaluation des lacunes passe par la connaissance des éléments centraux de la biodiversité, les espèces, les communautés et les écosystèmes à évaluer et par les objectifs qu'on se fixe pour ces éléments. Ceux-ci peuvent aller de la superficie protégée à des objectifs plus sophistiqués de représentation ou de menace d'extinction, par exemple :
• Objectifs liés à la superficie protégée : se définir un pourcentage minimum de surface à protéger ;
• Objectifs de filtre grossier : protection de types terrestres ou aquatiques généraux, tels que les écosystèmes ou leurs éléments (par exemple, les communautés). Ces éléments sont définis par L'altitude, la géologie et les caractéristiques paysagères. Une stratégie de filtre grossier consiste à maintenir des processus écologiques qui soutiennent une grande majorité d'espèces, permettant ainsi de ne pas avoir à s'occuper individuellement des espèces. Cette stratégie permet également de maintenir les services écosystémiques.
• Objectifs de filtre fin : généralement des individus d'une espèce particulièrement menacée ou endémique qui ne serait pas prise en compte par les objectifs axés sur les écosystèmes, donc par le filtre grossier. Le classement de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) des espèces menacées est un des éléments à prendre en compte dans cette analyse. L'objectif à atteindre est de cibler des espèces qui, par les mesures prises, deviendront moins vulnérables à la perte de surfaces. Elles doivent donc disposer de populations composées du minimum viable d'individus capables de faire face à des pertes d'habitats, à la conversion ou à l'exploitation directe des habitats.
> Le filtre grossier / fin est employé dans les analyses de lacunes en milieux marins comme terrestres ou d'eau douce afin de s'assurer que l'ensemble de la biodiversité est représentée à des échelles multiples.
Il est considéré que 85 à 90 % des espèces peuvent être protégées par un filtre grossier sans avoir à inventorier ou à planifier des aires protégées pour des espèces prises individuellement. Il s'agit donc d'une analyse fonctionnant bien pour les espèces communes mais nécessitant des compléments pour les espèces faisant l'objet de préoccupations. Un filtre fin est ensuite appliqué aux 10 à 15 % restants pour garantir leur protection.
Ces objectifs doivent permettre de protéger une surface de terre ou d'eau suffisamment importante pour assurer la viabilité et la diversité écologique et génétique des populations des différentes espèces cibles, animales ou végétales). Ils doivent également permettre la résilience des aires protégées afin de résister aux pressions et aux changements, comme le changement climatique.
> Comment effectuer l’analyse (principes de base)
• Identifier la biodiversité et établir les cibles clés ;
• Évaluer et cartographier l'occurrence et le statut de la biodiversité ;
• Analyser et cartographier l'occurrence et le statut des aires protégées ;
• Utiliser les informations pour identifier les lacunes ;
• Prioriser les lacunes à combler ;
• S'accorder sur une stratégie et mettre en œuvre des actions ;
• S'assurer d'une représentation totale à des échelles biologiques (espèces et écosystèmes) et à des domaines biologiques (terrestres, d'eau douce, marin).
Le recours à une cartographie détaillée des sites protégés et de la répartition de la biodiversité permet de mettre visuellement en évidence l'effort entrepris et les éventuelles lacunes qui pourraient subsister. Lors d'une telle étude, il faut donc s'assurer que la cartographie des aires protégées au niveau d'une région ou d'un pays existe et est à jour. Dans le cas contraire, il faut prévoir, avec les autorités compétentes et les différentes parties prenantes, la réalisation de cette cartographie.
> Des principes écologiques et managériaux de base sont à garder en tête quand on conduit une évaluation des lacunes écologiques :
• Prendre en compte l'ensemble de la biodiversité et s'assurer que ses éléments clés sont distribués dans l'ensemble des écorégions du pays ;
• Chercher à inclure suffisamment d'occurrences d'espèces et d'écosystèmes pour inclure la variabilité génétique, et minimiser les risques de pertes imprévues et d'extinctions locales ; ceci est particulièrement vrai pour les espèces vulnérables et en danger ;
• Chercher à garantir la viabilité à long terme de la biodiversité dans les aires protégées, même avec les changements climatiques ;
• Chercher à inclure le maintien des services écosystémiques, pour renforcer la résilience des communautés humaines aux changements climatiques.
Méthodes d’analyse
> Il existe trois méthodes principales d'analyse, selon la qualité des données et la capacité technique :
• Sans carte. Il est possible d'obtenir une grande quantité d'informations en notant tous les éléments de la diversité biologique non représentés dans un réseau d'aires protégées
• Avec cartes. Une analyse plus importante peut être effectuée, y compris la présence ou l'absence du réseau d'aires protégées et des questions telles que la proximité, le pourcentage de la population protégée et des informations sur le moyen de combler les lacunes
• Avec cartes plus logiciel. Des méthodes informatiques systématiques de sélection de nouvelles aires protégées se sont développées rapidement au cours des dernières années.
Dans de nombreux cas, les données satellites sont libres et sont des ressources ouvertes. Par exemple, TerraLook, un projet développé par la NASA, a créé une imagerie satellite qui permet des comparaisons à différentes périodes pour l'Amérique latine, le sud-est de l'Asie et la plus grande partie de l'Afrique. http://terralook.cr.usgs.gov/
Une approche consiste à utiliser l'indice de Dufrêne-Legendre (1997) utilisé pour définir une valeur d'un indicateur écologique d'un habitat pour une espèce particulière. Il est exprimé pour un habitat donné et des espèces par :
I = 100 (n / H) (n / S)
où
• n est le nombre d'unités données d'habitats qui contiennent l'espèce,
• H le nombre d'unités d'habitats examinées,
• S le nombre total d'unités de tous les habitats qui contiennent l'espèce.
> L'analyse des lacunes réalisée avec ou sans carte aboutit à la prise de décisions relatives à l'expansion du réseau d'aires protégées ou à sa réorganisation. Cette réflexion doit permettre de déterminer la surface et l'emplacement des nouvelles aires protégées et des corridors de connectivité qui devront les relier, sur la base de la valeur de la biodiversité et des contraintes physiques et humaines mises en évidence au cours de l'analyse.
Une fois les aires protégées définies au plan géographique, il est nécessaire de leur assigner une vocation, c'est-à-dire de les définir selon une des six catégories UICN d'aires protégées. Cette définition prend en compte la valeur écologique du site, mais également les activités humaines qui y sont pratiquées et le statut de propriété.
Lorsque, pour une raison inattendue, il n'est pas possible de créer une aire protégée, il est nécessaire de maintenir le dialogue avec les parties prenantes locales afin de mettre en place des mesures qui permettront le maintien voire le développement des valeurs écologiques mises en évidence pendant l'analyse. Ces mesures peuvent également inclure des opérations de restauration.
Des objectifs de substitution sont développés comme une stratégie pour prendre en compte les lacunes relatives à la distribution des espèces et aux besoins en matière d'utilisation des habitats.
Lien avec les autres processus
> Une évaluation des lacunes écologiques n'est pas conduite isolément des autres processus de planification. Elle peut utiliser les résultats d'une évaluation de l'efficacité de la gestion pour remplir les lacunes en protection, en améliorant l'efficacité de la gestion au sein des aires protégées.
Une évaluation de l'intégration des aires protégées est une analyse du degré avec lequel les aires protégées fournissent la connectivité pour les espèces clés et les processus écologiques. Les aires protégées sont intégrées dans des secteurs connexes, tels que les pêcheries, l'agriculture et la foresterie. Une évaluation des lacunes écologiques est donc une composante d'une évaluation globale de l'intégration.
♦ Équivalent étranger : Gap analysis.