Nauru and the blue planet

Chapter 2 - The Age of Industrial Civilization

Chapter 2
 

The era of
“Industrial Civilization”

Mutation industrielle de Nauru

  • Les premières heures du XXème siècle viennent de sonner. Parmi ces étrangers qui peuplent Nauru, un nouveau venu arpente l’île de long en large, se livrant à un étrange manège ; son nom : Sir Albert Ellis. D’origine néo-zélandaise et géologue de sons état, il travaille pour une firme britannique, la Pacific Island Company.  De-ci de-là, il prélève des échantillons de “terre” et les analyse. C’est bien ce qu’il présentait, cette île recèle du minerai de phosphate en abondance. Bingo !  
  • Alors que  les Nauruans ne peuvent soupçonner les conséquences de la découverte fortuite d’Albert, lui sait déjà comment cela va radicalement modifier l’avenir de ce confetti perdu dans l’Océan pacifique. Le gisement s’étend sur la quasi totalité de la surface de l’île et une exploitation industrielle en est envisageable.
     
  • Depuis 1888, c’est l’Empire allemand, représenté par la Jaluit Gesellschaft, qui possède les droits d'exploitation du sous-sol. Il les cède à la Pacific Island Company contre 2 000 livres sterling comptant et des parts de cette société rebaptisée Pacific Phosphate Company pour l’occasion. Le contrat prévoit que pour chaque tonne de minerai de phosphate extrait, la Pacific Phosphate Company verse en outre une redevance à la Jaluit Gesellschaft et aux Nauruans, en moindre proportion.
     
  • L’exploitation commence en 1907, supplantant définitivement l’activité économique précédente fondée sur l’exploitation des  noix de coco et de le copra. À Aiwo, un bassin est creusé à la main dans le lagon pour former un bassin protégé par deux brises-lames et muni d’une rampe de mise à l’eau
Nauru - Ligne de chemin de fer permettant d'acheminer le minerai de phosphate à la mer

Quatre barges tirées par des remorqueurs permettent de décharger nourriture et équipements sur l’île, et de charger les vraquiers en phosphate. Une voie de chemin de fer est construite pour y faciliter l’acheminement du minerai. Le phosphate va pouvoir être exporté vers l’Europe, la Nouvelle Zélande et l’Australie où il sera transformé en engrais.

Nauru - Mission catholique
  • Pendant ce temps, les missions religieuses assurent la diffusion des croyances et des mœurs métropolitaines sur le territoire. Les indigènes sont incités à échanger leurs pagnes végétaux contre des vêtements en tissus recouvrant mieux leur corps. Les danses tribales au caractère sexuel trop explicite et  jugées obscènes sont bannies ainsi que la polygamie.
    Afin de faciliter la diffusion des saintes écritures, chacune des confessions élabore son dictionnaire, mais l’administration des mines n’est pas en reste car, pour d’autres raisons, elle compose également du sien.

Philip Delaporte, un Germano-Américain débarqué de Hawaï avec sa famille en 1899 est le premier à proposer une traduction de la Bible en langue nauruane ainsi que des adaptations d’ouvrages de catéchisme ou consacrés à l'histoire de l'Église chrétienne.

Changement de propriétaire

  • Très loin d’ici, le 28 juin 1914, dans une ville d’Europe nommée Sarajevo, l’assassinat d’un prince est le prélude à un cataclysme. L'Autriche-Hongrie, poussée par l’Allemagne, déclare la guerre à la Serbie. Par réactions en chaîne, c’est bientôt tout le continent qui s’embrase. La Première Guerre mondiale vient de s’enclencher et les “nouveaux dieux” vont s’entretuer dans un carnage qui va durer quatre ans. Les colonies où les protagonistes exercent leur domination ne sont pas épargnées.
     
  • Localement, l’administrateur allemand, détenteur de l’unique émetteur radio de l’île, apprend le 4 août 1914 la mauvaise nouvelle : le Royaume-Uni vient à son tour de déclarer la guerre à l'Allemagne. Il se garde de divulguer l’information aux habitants car la forte minorité d’australiens serait susceptible de prendre parti pour l’ennemi.
     
  • Mais sur les eaux, la marine britannique ne tarde à faire valoir sa suprématie. Le blocus auquel est confronté l’île pèse sur le ravitaillement et les vivres commencent rapidement à manquer. Après le débarquement surprise d’un commando australien et  la destruction de l’émetteur radio, les allemands sont maintenant totalement isolés du reste du monde. L’administrateur se rend et, le 9 septembre 1914, la prise de pouvoir par l'Australie s'effectue sans qu'une goutte de sang ne soit versée. L'activité minière qui n'a pas été affectée par ces remous, va maintenant continuer au profit des vainqueurs.
     
  • Après sa défaite, l’Allemagne doit renoncer à toutes se colonies, Nauru y compris. C’est écrit dans l’article 119 de l’humiliant Traité de Versailles  qu’elle a été contrainte de signer le 28 juin 1919. Parmi les prétendants à  l’Île au trésor, c’est l’Australie qui se montre la plus arrogante. Fraîchement constituée, la Société des Nations tempère son ardeur et préfère placer Nauru sous tutelle, attribuant un Mandat de type C à la couronne britannique.  Nauru vient d’échapper à l’annexion.
     
  • De facto, c’est l’Australie qui administre l’île et reprend à son compte l’exploitation des mines de phosphate contrôlée maintenant par  la British Phosphate Commission. Vendu à bas prix aux agriculteurs australiens et néo-zélandais, le phosphate ne rapporte aux Nauruans que la somme insignifiante de huit pences par tonne extraite.

La grippe espagnole

  • Si Nauru a été épargnée par les ravages de la guerre, elle n’échappe pas à un mal qui sévit de 1918 à 1919 et qui a déjà fait des millions de morts sur la planète : la “Grippe espagnole”. À la sortie de l’épidémie, on ne compte plus que 1 068 Nauruans. Le général Griffith en charge de l’administration de l’île estime que ce faible nombre d'habitants menace la survie de l'ethnie. Il incite les chefs locaux à encourager la natalité afin de que le seuil de 1 500 habitants autochtones soit dépassé.
     
  • Parallèlement, l’acculturation des Nauruans se poursuit. En 1920, leur religion totémique ancestrale est abolie. Plus maîtres de leur destin, ils en sont réduits à quémander une plus grande attention à leurs revendications. Le droit de former un « Conseil des Chefs » leur est accordé mais en le restreignant à un rôle consultatif.
     
  • Le 26 octobre 1932 est un grand jour. Nauru fête l’Angam Baby, son 1 500ème habitant.

Fillette nommée Eidegenegen Eidagaruwo, les Nauruans la comblent de présents pendant toute son enfance ainsi que sa famille. L'Angam Day sera désormais le jour de célébration de la Fête nationale. Il vient supplanter les cérémonies rituelles ancestrales de juillet pendant lesquelles une frégate, considérée par les Nauruans comme le réceptacle des esprits des ancêtres et le lien avec Buitani, était capturée et honorée, bénéficiant des meilleurs traitements. Les anciennes croyances se meurent.

La guerre moderne

  •  1939, l’Europe se déchire à nouveau et le conflit s’étend à toute la planète. C’est la Seconde Guerre mondiale. Démocratie, fascisme et communisme sont des concepts inconnus des Nauruans. En revanche, dès le mois de décembre, ils découvrent avec épouvante le fracas de la guerre moderne. Deux croiseurs allemands, l'Orion et le Komet qui naviguent au large de l’île, cannonnent et coulent cinq phosphatiers en attente de chargement. Quelque jours plus tard c’est le port d'Aiwo qui est visé. Les infrastructures de la British Phosphate Commission sont atteintes et mises hors service pour plusieurs semaines. Ce n’est  hélas qu’un avant-goût de ce qui attend les îliens.
     
  • Le 9 décembre 1941, soit deux jours après l'attaque de Pearl Harbor, les Japonais passent à l'offensive. Après avoir perçu un bourdonnement lointain et des points sur l’horizon,  les Nauruans découvrent dans leur ciel avec stupeur de gros oiseaux mécaniques. Ces avions venus des îles Marshall lâchent maintenant leurs bombes et dans un bruit assourdissant,  détruisent la station TSF de l'île. Face à l’avancée rapide de l’ennemi, les dirigeants de la British Phosphate Commission pour leur part ne tardent pas à évacuer les lieux.
     
  • Le 26 août 1942, un corps expéditionnaire de 300 soldats chargé d’établir une base militaire utilisable par l’aviation prend possession de l'île. Faisant prisonniers sur le champ les Européens qui n'avaient pas été évacués, les Japonais laissent les 1 850 Nauruans présents sur l’île libres de leurs mouvements mais ces derniers sont rationnés. Afin de mener à bien la mission, l’occupant fait venir 1 500 Japonais et Coréens auxquels sont adjoints 300 travailleurs forcés nauruans et gilbertins.  La production de minerai de phosphate reste en sommeil, car tous les efforts sont menés pour transformer l’île en forteresse inexpugnable. La piste est achevée en janvier 1943.
  • Bientôt, l’Oncle Sam contre-attaque dans le Pacifique et les Nauruans vont connaître à nouveau le bruit terrifiant des explosions. Le 25 mars 1943, des bombardiers américains venus d’on sait où apparaissent dans le ciel et lâchent leur cargaison meurtrière sur l’île. Quinze avions japonais stationnés sur l'aérodrome sont détruits et les installations aéroportuaires endommagées.
Nauru - Bombardement de l'île par les libérateurs

Déportation et travail forcé

  • En représailles, les Japonais font exécuter leurs cinq prisonniers australiens dont l'ancien administrateur de l'île. Des exactions vis à vis de la population commencent à être commises. Totalement coupés de leurs lignes d'approvisionnement, la disette s’installe et les occupants en sont bientôt réduits à vivre en autarcie.
     
  • En septembre 1943, le commandement japonais décide de déporter la quasi totalité de la population de Nauru. Après un périple en mer de 1 600 kilomètres, les Nauruans découvrent un archipel où, sur mer comme dans les airs, règne une activité fébrile. Dans le lagon où ils pénètrent, stationne une imposante flotte de guerre telle qu’ils n’en ont jamais vu, des ravitailleurs de toutes sortes ainsi que des sous-marins. Les voilà débarqués sur les îles Truk, centre névralgique régional de l’armée nipponne et on les contraint maintenant à construire à marche forcée une piste d'atterrissage.
  • En novembre les îles Gilbert passent aux mains des Américains. Traumatisés par les pertes effroyables subies lors de la sanglante bataille de Tarawa, ils préfèrent négliger Nauru située à proximité et laisser sur leur chemin ce réduit japonais maintenant neutralisé sans y donner l’assaut.
     
  • Près de deux ans plus tard, les troupes japonaises de Nauru signent enfin leur reddition. On est  le 13 septembre 1945, soit 11 jours après la capitulation du Japon. Les Australiens peuvent enfin reprendre pied sur l’île qu’ils découvrent exsangue, et évacuer les prisonniers de guerre. On décompte plus de 200 morts parmi les quelques Nauruans restés.
  • Peu à peu, les exilés des Îles Truk sont rappatriés,  Eidegenegen Eidagaruwo fait partie du premier convoi parti le 29 juin 1943. Elle succombe hélas des privations et des épidémies subies.  Sur les 1 200 qui ont quitté l’île en 1943, seuls 737 Nauruans ont retrouvé leur foyer. Il ne reste plus que 1 369 autochtones au recensement de 1946. Une nouvelle course à l'Angam Baby est lancée. Il faut attendre le 31 mars 1949 pour que Bethel Enproe Adam, le second Angam Baby, naisse à Boe.
Nauru - Evacuation des prisonniers japonais par l'armée australienne

Une nouvelle mise sous tutelle

  •  L'histoire aime se répéter. Ainsi, l’Organisation des Nations unies qui vient de supplanter la SDN, confie le 1er novembre 1947 un mandat d’administration conjoint au Royaume-Uni, à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie, mais seule cette dernière gère l'île de Nauru dans les faits. La British Phosphate Commissionreprend ses prérogatives et l'extraction du minerai de phosphate peut redémarrer. 
     
  • Alors que dans l’année qui suit, l'exportation du minerai de phosphate rapporte 745 000 dollars australiens à la British Phosphate Commission, 2 % seulement reviennent aux Nauruans et 1 % à l'administration de l'île. Ces reversements miséreux ne permettent pas d'améliorer les mauvaises conditions de travail et de vie des ouvriers, chinois pour la majorité, qui finissent par fromenter une émeute. L'État d'urgence est proclamé sur l’île, la répression organisée. On compte onze blessés et quatre tués parmi les émeutiers à la fin des troubles. Dans les années qui suivent, la police locale est renforcée en armement. Les Chinois sont étroitement surveillés car on craint leur contamination par l’idéologie communiste, ce que finit par démentir une enquête menée ultérieurement.
     
  • Comme dans le reste du monde colonisé, les Nauruans veulent faire entendre leurs revendications. Après le dépôt de plusieurs plaintes auprès de l’ONU et des pays mandatés, ils obtiennent pour leur part la création d'un « Conseil de gouvernement local ». Le premier Conseil, contrôlé dans les faits par l'administrateur australien, est créé le 18 décembre 1951. Les neuf membres élus choisissent comme chef de fil Timothy Detudamo, l’un des rescapés des îles Truk. Se préoccupant de l’épuisement du minerai prévu pour la fin du XXème siècle, ils demandent une réévaluation des royalties dévolues aux Nauruans.
Nauru - Timbres 1954
Nauru - Timbres 1954
Nauru - Timbres 1954

Débuts d’un désastre écologique

  • En 1961, afin de relancer la pisciculture, une espèce de tilapia du Mozambique, l'Oreochromis mossambicus, est introduite dans la lagune Buada. Malheureusement, la concurrence entre ces poissons et les poissons-lait qui y sont élevés traditionnellement nuit à leur croissance. Aucun n’atteint la taille limite de consommation et de nombreux éleveurs baissent les bras car les tilapias sont peu prisés pour la consommation.
  • Avec cet échec, associé à l'exploitation intensive du minerai de phosphate qui détruit progressivement l’environnement de façon irrémédiable, l’île est de moins en moins viable pour sa population. Alors que leur désir d'émancipation se renforce, les Australiens  envisagent de transplanter l'ensemble des Nauruans sur l'île Fraser puis secondairement sur l'île Curtis, deux îles situées à proximité immédiate des côtes du Queensland. Les Nauruans ne sont pas opposés à ce projet, mais ils réclament en contrepartie l’indépendance politique. Le refus de l'Australie provoque l’abandon définitif de ce plan en 1964.

Marche vers l’indépendance

  • Depuis 1963, les agriculteurs australiens et néo-zélandais achètent le phosphate extrait de Nauru au tiers des prix pratiqués ailleurs dans le monde. L’établissement d'un cours mondial du phosphate en 1964 et la nouvelle répartition des bénéfices (22 % pour les Nauruans et 14 % pour l'administration de l'île) semble vouloir faire décoller la situation économique des îliens.En 1966, un « Conseil législatif » est élu avec le soutien du « Conseil de tutelle » australien. La population de Nauru, par la voix de Hammer DeRoburt, réclame l'autodétermination complète.
     
  • L'Australie accepte finalement l'émancipation de l'île, entame un processus d'indépendance économique et politique. L'Université Nationale Australienne l'aide à rédiger une Constitution.
     
  • Ils sont maintenant cinq mille Nauruans sur l’île. Avec des actifs de près de de 500 000 dollars australiens par habitant gérés directement par le pays, la qualité des soins médicaux et de l'éducation s’améliorent. Elle permet même à certains de quitter Nauruans pour aller étudier dans les universités australiennes.

  • Dans le cadre du processus d'indépendance, Nauru achète petit à petit des infrastructures et des machines de la British Phosphate Commission et en 1967, l'acquisition de la branche nauruane de la British Phosphate Commission lui permet contrôler l'ensemble de l'industrie du minerai de phosphate sur l’île. 

Maintenant qu’ils ont repris le contrôle total de leur Île au trésor, les Nauruans vont devoir gérer seuls leur destin. Par là même, ils vont entrer de plein pied dans la Société de consommation.

 … C’est l’objet du dernier épisode de cette triste Saga