♦ Action de compter des éléments. En écologie, le terme est essentiellement employé pour le comptage des animaux, oiseaux, mammifères, c'est-à-dire d'espèces ou de groupes d'espèces se prêtant relativement facilement à un comptage visuel.
Le dénombrement présente plusieurs intérêts tant sur le plan fondamental que sur le plan appliqué.
Au plan fondamental, de nombreux travaux scientifiques visant à tester différentes théories et hypothèses sur la dynamique spatio-temporelle de la biodiversité reposent en grande partie sur les résultats de dénombrements.
Dans le domaine de la conservation de la biodiversité, c'est souvent en comparant les résultats des dénombrements d'une espèce sur plusieurs années qu'on arrive à analyser sa tendance démographique, à évaluer son risque d'extinction et éventuellement, à préconiser des solutions permettant sa survie. Les dénombrements sont également essentiels aux gestionnaires et responsables forestiers pour la mise en place d'une stratégie d'exploitation raisonnable et durable des espèces, notamment chassables.
Sur le plan économique, les intérêts des dénombrements peuvent être multiples. Par exemple, dans le domaine de l'agriculture, la connaissance des effectifs d'une espèce nuisible et de son évolution dans le temps est cruciale pour anticiper son risque de prolifération et pour la mise en place à temps de moyens de lutte efficace. Sur le plan de la santé humaine, les dénombrements peuvent être également d'un très grand intérêt, dans la mesure où ils peuvent aider à prédire les risques d'épidémies et de maladies potentiellement transmissibles des animaux sauvages à l'Homme ou à ses animaux domestiques.
Exemple d'utilisation : Dénombrements d'oiseaux d'eau.
1. Au niveau du site
> Évaluer l'importance du site, exige de :
- Connaître les effectifs des différentes espèces d'oiseaux d'eau sur un site ;
- Connaître les fluctuations des capacités d'accueil du site pour les différentes espèces d'oiseaux d'eau (d'une année sur l'autre, d'une saison sur l'autre, etc.) ;
- Comparer les résultats des dénombrements sur différents sites de la région ou du pays et déterminer l'importance relative de chaque zone humide pour les oiseaux d'eau ;
- Déterminer des priorités dans les actions en faveur des espèces prioritaires.
> Assurer le suivi du site, exige de :
- Détecter des changements dans l'abondance des oiseaux ou de leur composition spécifique ;
- Aider à identifier les causes de ces changements afin de mettre en place des mesures de conservation si nécessaire ;
- Évaluer l'impact de certaines activités (chasse, pêche, pâturage, etc.) ;
- Vérifier régulièrement si l'utilisation (et/ou la gestion) de la zone humide et de ses ressources naturelles est rationnelle et durable.
2. Au niveau national
- Connaître le rôle et l'importance des zones humides du pays pour les différentes espèces d'oiseaux d'eau au cours de leur cycle annuel ;
- Fournir des informations pour la mise en place d'actions de conservation et de mesures en faveur de l'utilisation durable des ressources naturelles ;
- Fournir des informations pour la législation de protection de la nature (espèces chassables, périodes de chasse, espèces et milieux à protéger, espèces menacées, etc.) et la politique nationale de conservation des zones humides ;
- Fournir des informations pour la réalisation de synthèses des connaissances (par exemple, atlas).
3. Au niveau international
- Renforcer les connaissances sur les espèces dans leur aire de répartition (taille des populations, cycle annuel, déplacements, migrations, etc.) et suivre l'évolution de certains paramètres (taille des populations, etc.) ;
- Renforcer les informations nécessaires aux conventions et accords internationaux (Ramsar, Bonn, AEWA, CBD, etc.), et à l'élaboration de documents stratégiques (ex. plan d'action).
4. À tous les niveaux
- Renforcer les connaissances de la biologie des espèces (cycle annuel, déplacements, migrations, etc.).
Méthodes de dénombrement directe et approchées
Les dénombrements les plus simples reposent sur le comptage direct, à l'unité, à la dizaine, à la centaine, au millier, voire plus, d'individus. Parfois cependant, il est illusoire de chercher à connaître de manière exhaustive la taille de la population d'une espèce. Aussi des méthodes approchées sont-elles utilisées et permettent, si ce n'est une connaissance globale des effectifs, au moins d'obtenir un indice qui permettra ensuite d'utiles comparaisons, soit sur le même site à différentes périodes de l'année, ou d'une année à l'autre, soit sur des sites différents. Plusieurs méthodes sont fréquemment employées à ces fins.
1. La méthode des IKA (indice kilométrique d'abondance)
> Cette méthode est couramment utilisée pour les dénombrements des animaux des milieux ouverts et étendus (pelouses, déserts, savanes...). Elle consiste à marcher le long d'un transect droit traversant le milieu d'étude, tout en comptant les animaux vus ou entendus. Le trajet doit être effectué à une heure où les animaux sont bien détectables (à l'aube ou en fin d'après-midi) et sa longueur doit être comprise entre 500 et 1 000 mètres. L'observateur peut choisir de ne relever les animaux que d'un seul côté du trajet ou des deux côtés. Il attribue à chaque observation une cotation : 0,5 pour un contact simple (animal vu ou cri entendu) et 1 pour un contact double (couple, groupe familial, mâle chantant pour un oiseau, nid occupé, scène de nourrissage ou de transport de matériaux de construction...).
> L'exploitation des données consiste, pour chaque espèce, à diviser la somme des cotations obtenues (nombre de couples) par la longueur du trajet de dénombrement exprimée en kilomètres. Le chiffre ainsi obtenu fournit l'Indice Kilométrique d'Abondance (IKA) de l'espèce considérée.
2. La Méthode des IPA (indice ponctuel d'abondance)
> Cette méthode a été mise au point pour échapper aux contraintes qu'impose la méthode des IKA, à savoir la nécessité de disposer de vastes étendues homogènes et de pouvoir y effectuer des transects linéaires d'au moins 500 mètres. Elle est pour cela l'une des méthodes les plus couramment utilisée pour le dénombrement des oiseaux nichant dans les milieux fermés et de faibles superficies. Dans son principe, la méthode des IPA est analogue à celle des IKA, à la différence qu'au lieu de parcourir un itinéraire donné, l'observateur reste immobile pendant une durée donnée (généralement 20 minutes) et note les contacts, quelle que soit la distance de détection, exactement comme s'il marchait. L'observateur doit prendre la précaution de choisir des points d'écoute situés à des endroits représentatifs du milieu étudié et le plus loin possible des zones de contacts entre milieux différents pour éviter l'effet de lisière.
> La longueur du rayon d'observation va dépendre de la distance de détectabilité du chant ou des cris des espèces que l'on étudie. L'Indice Posté d'Abondance (IPA) rend compte de la densité de l'espèce sur une aire dont le rayon est égal à sa distance de détection qui varie elle-même entre espèces. Pour cette raison, les résultats obtenus par cette méthode ne pourront pas servir à des comparaisons interspécifiques.
L'IPA d'une espèce résulte de deux comptes partiels du même point. L'un en début de la saison de nidification pour dénombrer les nicheurs précoces et l'autre avec l'entrée en reproduction des nicheurs tardifs. À l'occasion de chaque compte partiel, la cotation des contacts est de 1 pour un mâle chantant, un couple, un groupe familial, un nid occupé ou une scène de nourrissage et elle est de 0,5 pour un oiseau simplement vu ou un cri entendu. On retiendra pour chaque espèce comme IPA la valeur la plus élevée obtenue pendant l'un des deux comptes partiels. Ainsi, si lors du premier comptage, une somme de cinq contacts d'une espèce a été notée pour seulement 2,5 lors du second, l'IPA de cette espèce pour la station et l'année considérées sera de 5.
> Tout comme la méthode des IKA, le dénombrement doit être fait sous de bonnes conditions météorologiques et seulement pendant les heures de la journée où l'activité des oiseaux est maximale (le matin de bonne heure ou en fin d'après-midi). L'observateur doit avoir une connaissance parfaite des chants et des différents cris des différentes espèces. Il doit également garder une attention soutenue tout le long du temps de dénombrement et être le plus discret possible pour ne pas influencer le comportement des oiseaux recensés. Il note autant les oiseaux vus qu'entendus.
3. Combinaison de méthodes
> La combinaison d'une méthode relative avec une autre absolue sur un même groupe de parcelles permet de disposer de la densité et de l'indice d'abondance de chaque espèce sur chacune des parcelles échantillonnées. Ces données peuvent être utilisées pour calculer pour chaque espèce un indice de conversion des indices d'abondance en valeurs de densité. Un tel indice permet par la suite de déterminer la densité de l'espèce étudiée dans n'importe quel autre site à partir de son indice d'abondance. Ceci présente l'énorme avantage de déterminer la densité brute de l'espèce étudiée dans chaque site, sans avoir à appliquer à chaque fois la méthode absolue lourde et coûteuse, ce qui augmente le nombre de sites qu'on pourra étudier en une seule saison.
>Cette approche est souvent utilisée dans le cas des oiseaux des milieux boisés en combinant la méthode des IPA avec la méthode de cartographie des territoires. On applique les deux méthodes en même temps sur un ensemble de parcelles d'étude, ce qui permet d'obtenir pour chaque espèce son IPA et sa densité (en nombre de couples par unité de surface) dans chacune des parcelles. En supposant que l'IPA d'une espèce augmente d'une façon linéaire avec sa densité, il est possible de déduire l'indice de conversion des IPA en densités à l'aide de la formule suivante :
C = ∑Di / ∑IPAi
où Di = densité de l'espèce étudiée dans la parcelle i
IPAi = IPA de l'espèce étudiée dans la parcelle i
♦ Équivalent étranger : Census.