Concevoir et mettre en forme un projet
« On n'exécute pas tout ce qui se propose ; et le chemin est long du projet à la chose ».
Molière - Tartuffe ou l’imposteur 1664
Introduction
« La conduite de projets résumée en deux chiffres :
- 98 % des projets ne respectent pas les conditions de coûts, de délai, et de qualité initialement prévues ;
- 85 % des cause d’échec des projets sont imputables à l’absence d’accompagnement de ceux-ci.
La majorité des sources de risque relève plus de facteurs humains et organisationnels que de facteurs purement techniques » - Huguette Roussel
> Ce document a pour buts de vous aider :
- à fournir les clés nécessaires pour la validation de votre projet par vos différents partenaires ;
- à mettre sur pied les schémas d’accompagnement qui vont permettre d’en limiter les “risques”.
> Deux définitions importantes
- Vous êtes le commanditaire (et bailleur de fond direct ou indirect), cela fait de vous le « Maître d’ouvrage » du projet.
- L’organisation et la réalisation pratique en reviennent au « Maître d’oeuvre ». Cela peut être des tierces personnes si vous déléguez, ou vous-même si vous réalisez une partie voire la totalité du projet.
> Pour le bon déroulement d'un projet, il est important que le rôle de chacun soit clairement défini et, pour chaque entité, qu’un représentant soit clairement identifié. Enfin une formation peut s’avérer nécessaire afin que Maîtrise d’ouvrage et Maîtrise d’oeuvre parlent le même langage et s’entendent sur les méthodes de conduite de projet, de conduite d’entretiens ou de réunions.
C’est l’objet de cette suite d’articles.
Notion de “ Projet ” et fils directeurs
> Voici la définition d’un Projet selon l’International Standard Organisation (ISO)
ISO 10006 — Un projet est un processus unique, qui consiste en un ensemble d'activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d'atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques telles que des contraintes de délais, de coûts et de ressources.
C’est une aspiration à concrétiser quelque chose qui n’existe pas encore, le désir de créer de la valeur par de l’innovation, à partir d’un idéal et en se fondant sur une réalité que le projet doit permettre de faire évoluer.
> Que ce soit pour l’ensemble de votre projet ou pour chaque action qui le jalonne, vous allez devoir répondre à ces questions élémentaires :
Cette démarche connue sous l’acronyme Q Q O Q C C P est l’une des conditions nécessaires à la bonne marche de votre entreprise.
> Un autre point fondamental, c’est la prise en compte des contraintes de Qualité / Coût / Délai (triptyque QCD) Vous allez devoir opérer des choix qui influenceront le profil de votre projet et sa réussite. La maîtrise de la Qualité (ou de la performance) représente l’objet de votre projet et en est la clé de voûte .
> La recherche d’efficience - c’est à dire la réalisation de l’objectif (à son niveau de qualité et dans le délai requis) avec le moins de moyens possible - va permettre d’en optimiser les coûts. Dès la conception, cette démarche doit présider à la réalisation de chaque étape de votre projet. En se plaçant d’un autre point de vue, cela équivaut à rechercher une productivité optimale :
Création de valeur
Productivité = ───────────
Coût
> Quant aux principales étapes de la conduite de votre projet, on peut les résumer en 10 points dont certains seront développés dans les paragraphes qui suivent :
- Clarifier l’idée de départ pour obtenir un concept limpide : Quoi, Pourquoi ?
- Faire l’état des lieux de l’existant, des moyens dont vous disposez et de ceux qui vous manquent, de vos atouts et de vos faiblesses
- Élaborer un budget prévisionnel.
- Formaliser le projet en le scindant en sous-projets si besoin.
- Trouver des partenaires
- Bâtir un plan d’action compatible avec le budget et le délai impartis.
- Communiquer au sein de l’équipe, en direction des partenaires et du publique pour que votre action soit bien coordonnée et notoire
- Réaliser le projet en posant des jalons
- Évaluer et rendre compte de son état d’avancement puis du résultat une fois achevé
- Prolonger l’action et consolider les acquis
Définir le périmètre de votre projet
> Un projet, c’est avant tout l’expression d’un besoin et la mise en oeuvre matérielle et humaine pour satisfaire ce besoin. Le caractère stratégique et/ou novateur du projet doit s’imposer pour susciter l’intérêt et motiver les intervenants (effecteurs ou bailleurs de fonds).
> L’objectif à atteindre et sa formulation doivent être clairs. Ce but doit être concret (non utopique) et raisonnable (prise en compte des compétences et des moyens réellement disponibles). Le degré d’impériosité voire d’urgence du projet est à préciser.
Pour une gestion correcte du “Paradoxe du Projet”, vous devez rassembler le maximum de connaissances dès le début, car c’est le moment où vous avez la plus grande latitude pour opérer les ajustements nécessaires.
- Que doit-on réaliser et dans quel but(s)?
- Quelles sont les tâches à accomplir ?
- Quels sont les moyens à mettre en oeuvre ?
- Qui va les réaliser ?
- Quels sont les coûts envisagés ?
- Quels sont les délais envisagés ?
Ce sont les questions auxquelles vous allez devoir répondre de façon précise pour bien définir les contours du projet puis en réaliser l’organisation pratique.
Faire un état des lieux de vos atouts et de vos faiblesses
> Vous devez dresser un inventaire des compétences (techniques et intellectuelles) et moyens (matériels et financiers) déjà recensés, mais également des facteurs externes facilitateurs qui sont à prendre en compte.
Ces éléments doivent être mis en balance avec ce qui peut menacer l’aboutissement de votre projet.
Définir les axes prioritaires
> Aucun projet ne ressemble à un autre et vous allez devoir définir quelques priorités sur le concept même de votre projet. Il est impossible d’équilibrer la triade Qualité /Coûts/Délais mais prioriser un seul des facteurs est une option qui fait planer des risques considérables sur votre projet (cf. infra).
> De façon pragmatique, vous devez piloter votre projet sur la base de deux priorités clairement identifiées. Ce choix va conférer à votre projet un profil spécifique.
Définir une méthodologie globale et un mode de gestion
> La méthodologie “PDCA” (acronyme anglosaxon de Plan ▶️ Do ▶️ Check ▶️ Act) - dite “Roue de Deming” - définit un cycle d’actions contribuant par sa répétition au bon déroulement de votre projet. En français, cela donne :
P lanifier : Définir l’objectif et préparer les tâches à accomplir
D évelopper : Accomplir les tâches programmées
C ontrôler : Contrôle de ce qui a été réalisé
A juster : Évaluer les déviances par rapport à l’objectif pour élaborer des mesures correctrices qui pourront être intégrées au cycle suivant.
Le processus “Qualité” repose sur la répétition de ce cycle jusqu’à l’accomplissement satisfaisant de l’objectif.
> Gérer un projet auquel participent plusieurs intervenants fait appel à deux formes possibles de management, l’un “directif” et l’autre “participatif”. Plutôt qu’être trop directif pour vos prises de décisions, donner la préférence aux délibérations privilégie les formes de régulation par consensus. La recherche en commun de solutions permet de valoriser les compétences de chacun et favorise l’adhésion des collaborateurs au projet.
> La dynamique de groupe est importante dans le succès de votre entreprise. La rencontre des acteurs impliqués dans le projet doit in fine permettre de constituer une équipe soudée qui sait tirer parti des différences entre ses membres. La désignation d’un “Facilitateur” et/ou d’un “Coordinateur” permet de huiler les rouages quand la machine est complexe.
Segmenter votre Projet
> Dès qu’un projet est un peu complexe, la subdivision de ce projet en une arborescence technique de type
Projet ▶️ Sous-ensemble ▶️ Produits ▶️ Lots de travaux ▶️ Tâches
permet d’isoler les points critiques et de réduire les risques (de dépassement de coût, de délai de livraison, voire d’abandon du projet). En posant des jalons, vous allez limiter également le risque de survenue d’un effet tunnel.
> L’Organigramme des Tâches du Projet (OTP), dont l’acronyme anglo-saxon est WBS (Work breakdown structure) peut être votre outil de référence. Cet organigramme est obtenu en décomposant les “livrables” et les tâches du projet en éléments plus détaillés et plus facilement maîtrisables. Son élaboration s’appuie sur les réponses apportées aux questions posées précédemment lors de l’élaboration initiale.
> L’OTP permet de vérifier la cohérence, l’exhaustivité, de définir les interfaces et d’attribuer nominativement les lots de travaux à des responsables (prestataires techniques). Il peut être représenté graphiquement sous forme d'organigramme ou textuellement sous forme de liste indentée.
Exemple d'Organigramme des Tâches d'un Projet
> L’OTP permet d’attribuer un identifiant unique à chaque tâche. Pour chaque élément, vous pourrez recenser dans le dictionnaire de l'OTP un certain nombre d’informations additionnelles comme la description du travail à exécuter, la chaîne des responsabilités, les critères d'acceptation, des références techniques ou des informations contractuelles ...
Définir les objectifs assignés aux responsables
> Les objectifs assignés doivent répondre aux critères de la règle S M A R T :
▶️ Spécifiques Chaque objectif doit être claire et simple, sans ambiguïté. Si la requête est complexe, il est possible de la décomposer en plusieurs sous-objectifs. Ils devront être en adéquation avec le poste occupé par la personne chargée de les réaliser, ses compétences ainsi que les moyens à sa disposition pour garantir une certaine efficacité.
▶️ Mesurables L’objectif doit pouvoir être qualifié et quantifié. Grâce à la mise en place d’indicateurs pertinents vous allez pouvoir :
- mesurer précisément et objectivement les efforts et le travail accomplis ;
- dire quand l’objectif est atteint.
En cas d'anomalie, cela doit vous inciter à réévaluer la méthode et prendre des mesures correctives.
▶️ Acceptés On n’impose pas un objectif, on aide juste à formuler des propositions par les intéressés … “Comment d’après-vous … ?”. La pertinence des objectifs permet de leur donner du sens et de motiver le plus grand nombre tout au long du projet.
▶️ Réalistes L’objectif fixé doit constituer un défi à la hauteur des ambitions des membres de l’équipe tout en restant accessibles en termes de moyens, compétences, connaissances, etc. En aucun cas, il doit s’avérer hors d'atteinte sous peine de les démotiver. L’objectif doit être en adéquation avec la stratégie globale, les moyens à disposition, etc. afin d’éviter un phénomène d’épuisement.
▶️Temporellement définis La définition d’un début, d’une fin, d’une durée spécifique, d’une date butoir, ou d’échéances précises, etc. et la perception de temps imparti, est déterminante. L’équipe doit pouvoir évaluer l’effort à fournir et éviter toute tendance à procrastiner (remettre au lendemain). Le respect des délais limite les coûts supplémentaires inutiles, les pertes d'énergie et de motivation, etc.
Évaluer le coût du projet et en définir le financement
> Pas de projet sans argent, pas d’argent sans un minimum de comptabilité, pas de comptabilité sans budget prévisionnel écrit. Vous devez considérer le budget prévisionnel (ou plan de financement) comme un outil à votre service. Il va vous permettre de suivre point par point l’avancement de votre projet. Évoluant avec lui, il vous oblige à faire preuve de réalisme et d’efficience en identifiant toutes les dépenses que vous serez amené à faire.
> Le budget prévisionnel doit refléter fidèlement l’analyse de vos besoins et les ressources que vous avez ou que vous comptez réunir pour les satisfaire. L’inventaire des dépenses doit être exhaustif. La recherche des coûts cachés ne doit pas être négligée si on veut éviter les mauvaises surprises. C’est sur ces éléments du dossier que vous allez être jugé quant au sérieux de votre motivation et la rigueur de votre démarche.
> Les recettes et les dépenses doivent toujours être présentées en colonnes équilibrées (égales). Chaque dépense (on dit poste) doit être justifiée : pas de chiffres « bidons », pas de partenaires fantaisistes… Pas d’estimation à la louche, faites faire des devis ou relevez les prix dans les magasins ou sur internet.
> Prévoyez une marge d’imprévus d’au moins 10 % de dépenses. En arrière fond de chaque dépense, posez vous la question : « Le jeu en vaut-il la chandelle ? ». Pour les partenariats, précisez s’ils sont acquis, en cours de négociation ou à acquérir. Distinguez les apports en financement direct ou en nature (prêt de local ou de matériel, actions bénévoles, …).
> Dans la colonne des recettes, doivent apparaître les ressources dont vous disposez déjà (apport personnel ou autofinancement…). La part des modes de financements envisagés (bénévolat, fonds propres, mécénat, bailleur(s) de fond, …) doit être abordée de façon réaliste.
> Parce qu’il est évolutif un budget doit toujours être daté : budget prévisionnel au « 25 décembre 2025 »… La part de ce qui n’est encore financé doit apparaître clairement car cela constitue un “Risque” clairement identifié pour votre projet.
> Quant au fameux Retour sur investissement ( RSI, aussi appelé ROI pour “Return on Investment”), c’est un paramètre à ne surtout pas négliger si vous devez emprunter de l’argent sous peine de vous retrouver tôt ou tard dans le rouge. De plus, savoir évaluer votre capacité à dégager des fonds propres est primordial pour gérer votre action dans la durée.
Checklist de votre projet
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Élaboration et utilisation de “Kits projet”
> Il existe sur internet de nombreuses sociétés proposant des prestations tarifées plus ou moins performantes et/ou complexes pour le suivi collaboratif de projets de toutes sortes. Nous ne sommes pas en mesure de vous fournir d’évaluations ni même de jugements quant à ces solutions professionnelles.
> Même si cela semble hors de portée de votre bourse, ne perdez cependant pas espoir. Savoir utiliser les applications gratuites Google Sheets, Google Docs, Google Agenda, Google Slides, Google Forms, … risque de devenir votre meilleur atout pour peu que vous consacriez un peu de temps à ces solutions collaboratives gratuites et performantes.
> Au fil du temps et des demandes, nous vous proposerons des “kits” accessibles sur Google Drive afin de vous aider à gérer de manière structurée vos projets. Dès à présent vous pouvez nous adresser vos requêtes grâce au formulaire “Soumettre un projet” disponible sur le site.
> Si vous souhaitez approfondir le sujet, voire valider une formation sur la Gestion de Projet, vous pouvez le faire sur le site animé par créé et animé par Rémi BACHELET, enseignant et chercheur à L'Ecole Centrale de Lille, MOOC Gestion de projet : Twitter @R_Bachelet.
NB : MOOC est l’acronyme anglo-saxon de Massive Open Online Courses.
Ce sont des cours gratuits et libres d'accès sur Internet (donc à distance) .