Le pangolin d'Asie se meurt et la planète tousse
> La maladie d'Ebola semblait sur le point d'être jugulée dans l'Est de la République démocratique du Congo, et voici qu'un nouveau virus, la COVID-19, se répand à la surface de notre planète et sème son lot de morts.
Faisant officiellement irruption en RDC le 10 mars 2020, elle touche pour l'heure principalement l'Est du pays et la région de Kinshasa oú elle a fait ses premières victimes.
Où cette pandémie partie de Chine trouve-elle son origine ?
> N'en déplaise aux complotistes, ce virus n'est pas le fruit de manipulations malveillantes destinées à semer le chaos. Les coronavirus sont présents dans le monde entier et infectent une large diversité de mammifères et d'oiseaux. L'enquête par séquençage du génome du COVID-19 a permis aux chercheurs de remonter la piste de l'homme au pangolin d'Asie (Manis javanica) et à la chauve-souris.
Quel rôle jouent donc ces animaux ?
> Le pangolin est un mammifère couvert d'écailles qui se nourrit de fourmis (myrmécophage) et dont l'immunité approximative a pour particularité d'être très affaiblie par le froid.
Bien que protégé dans 186 pays, il fait l'objet d'un braconnage effréné pour satisfaire une demande asiatique soutenue. Les écailles de pangolins, en provenance d'Afrique pour l'essentiel, entrent dans la préparation de très nombreux médicaments traditionnels contre l'arthrose, le cancer ou l'infertilité, pour favoriser l'allaitement, etc.
De plus, en Chine et au Vietnam, la viande de pangolin fraîchement abattu est un met extrêmement recherché par les personnes fortunées.
Les pangolins qui survivent rarement en captivité, arrivent de toute l'Asie du Sud-Est sur les marchés chinois où ils côtoient de nombreuses espèces sauvages, dont les chauves-souris, autre délice local, et ce, sous des températures bien plus basses que celles de leurs forêts tropicales natales. Les virus prédominants dans cette espèce semblent être les coronavirus et le virus Sendai.
> L'enquête virologique initiée lorsque l'épidémie a éclaté à Wuhan, a permis de reconstituer le scénario probable d'émergence du COVID 19.
Pangolins et chauves-souris ont, en Asie du Sud-Est, une passion commune pour des arbres fruitiers de la famille des Bégoniacées. Les chauves-souris dévorent les fruits et défèquent sur les arbres. Les pangolins viennent s'y rassasier de fourmis, attirées elles aussi par les fruits. De leurs rencontres est né par recombination un nouveau coronavirus doté du gène issu du pangolin codant pour le RBD (receptor binding domain, région des protéines virales qui se lie aux récepteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 cellulaire) lui permettant de se fixer sur les cellules humaines.
Rencontre avec les hommes
> Les enquêtes sérologiques menées dans le passé semblent indiquer que ce virus recombiné circulait silencieusement et depuis longtemps, chez les personnes faisant commerce de chauves-souris, de pangolins ou autres. L'évolution finale conférant une plus grande infectiosité, liée à l'insertion d'un codon dans le génome viral du bêta-coronavirus pangolino-calvimurin, serait survenue selon toute vraisemblance à l'occasion d'une co-contamination avec l'un des bêta-coronavirus humains, aboutissant au SARS-CoV-2, désormais fameux COVID-19.
Et les grands singes dans tout cela ?
> Ceux et celles qui se sont intéressés à l'émergence et la diffusion du virus Ebola, autre zoonose transmise aux grands singes puis à l'homme, auront immédiatement relevé certains points communs : chauve-souris et trafic d'animaux sauvages.
Didier Sicard, spécialiste des maladies infectieuses, déplore « l’indifférence aux marchés d’animaux sauvages dans le monde », qui constituent selon lui le « point de départ » de la pandémie, et appelle à la constitution d'« une sorte de tribunal sanitaire international » chargé de faire respecter l'interdiction du trafic d'animaux sauvages. Il appelle également à renforcer les recherches sur les chauves-souris et à « reconstituer le parcours épidémiologique qui fait que la chauve-souris tolère des coronavirus depuis des millions d’années, mais aussi qu’elle les disperse ».
> Pour l'heure, aucune extension de la pandémie à des colonies de grands singes n'est signalée mais tout porte à croire que nos cousins hominidés pourraient en être des victimes potentielles. L'absence de contact avec les humains est leur meilleure protection. Fermeture des parcs zoologiques, arrêt des activités d'éco-tourisme mais également port de masque par les soigneurs, trackers et rangers qui les côtoient sont les mesures de bon sens incontournables pour éviter une possible hécatombe.
Remerciements
> Nous souhaitons exprimer notre immense gratitude à toutes celles et ceux qui, à travers le monde, prennent soin de notre santé en ces temps difficiles.
Quant à vous, n'oubliez pas de garder vos distances !