Belgian Congo, a painful colonial history

Chapitre 2 - L'État Indépendant du Congo (EIC)

« Les hommes de race blanche, après avoir méprisé et cruellement exploité, pendant des siècles, les hommes de race noire, qu’ils se refusaient à envisager comme leurs congénères, sont venus à résipiscence. Ils ont commencé par condamner la traite des nègres, puis ils ont émancipé leurs esclaves africains, et aujourd’hui, comprenant qu’ils doivent une réparation aux peuples dont ils avaient méconnu les droits naturels, ils aspirent à répandre sur eux les bienfaits de la civilisation.» 

Gustave Moynier dans “La fondation de l’État indépendant du Congo - Point de vue juridique” (1887)

Chapitre 2
 

Comment un idéal de “progrès” se transforme en immense carnage

Naissance officielle de l’EIC

  • L’acte de naissance de l’EIC revêt la forme d’un Décret royal, par lequel, le 29 mai 1885, le roi Léopold de Belgique proclame l’existence de l’État indépendant du Congo (EIC) et son propre avènement au trône.
    Cet acte, simplement porté à la connaissance de l’Administrateur général résidant au Congo, donne lieu, le 19 juillet 1885, à une cérémonie qui réunit à Banana les représentants des maisons de commerce établies sur la rive droite du fleuve, ainsi que les chefs indigènes du voisinage. À cette occasion le texte du décret royal est communiqué en substance par une proclamation de l’Administrateur général, remise sous pli à chacun d’eux.
  • En 1887, Charles Moynier, correspondant de l’Institut de France, écrit au terme de son rapport pour l’Académie des sciences morales et politiques :
Heraldique de l'Etat Indépendant du Congo

L’État indépendant du Congo occupe le centre d’un vaste quadrilatère, dont la France, le Portugal, l’Allemagne et l’Angleterre gardent ou protègent les abords, et il est certain de trouver en eux de bons voisins, animés des mêmes intentions civilisatrices que lui. Toutes ces puissances, d’ailleurs, ont fait publiquement, à Berlin, des vœux pour sa prospérité. Les indigènes, de leur côté, semblent accepter docilement le joug léger de leur nouveau maître. De quel côté pourrait venir un orage dans cette sereine atmosphère ? Aucun, fort heureusement, ne s’annonce à l’horizon. On peut donc, sans se montrer trop optimiste, espérer que rien ne fera mentir dans ce pays l’emblème de prospérité, — l’étoile brillante sur un ciel sans nuages, — qui décore son drapeau. 

 

Ce point de vue naïf ne prend pas en compte les ambitions réelles du monarque belge et sa cupidité.

  • Pour sa part, malgré les intentions philanthropiques affichées, le Congrès de Berlin exige explicitement qu’un contrôle effectif précède toute reconnaissance internationale des droits d’une nation sur ses possessions coloniales. L’affrontement entre royaumes africains et puissances coloniales semble inéluctable. À cette première phase de colonisation européenne, pratiquement tous les Africains pensent pouvoir sauvegarder leur indépendance et leur mode de vie traditionnel. Pour y parvenir, l’alliance ou encore l’acceptation ou la soumission, mais parfois l’affrontement, sont les différentes options choisies par leurs dirigeants.

Organisation de l’exploitation du bassin du Congo

  • Léopold II lourdement endetté par les multiples expéditions qu’il a financées, compte exploiter au mieux les richesses de son nouveau bien, notamment l'ivoire et bientôt le caoutchouc. Afin d’assurer la réussite de son entreprise et sa prospérité, le souverain met rapidement en place une politique basée sur la confiscation des terres, et l’attribution de concessions contre perception d’actions lui permettant de se constituer un « Portefeuille » avec les actions des compagnies concessionnaires.

Acte I : L’appropriation du territoire par Léopold II
 

  • Lors des différentes expéditions qu’il a menées pour Léopold, Henry Stanley aura fait signer à des centaines de chefs africains illettrés des traités dans lesquels ils reconnaissent au roi Léopold la pleine propriété de leurs terres, et s’engagent à lui fournir le personnel nécessaire à l’exploitation et au transport de l’ivoire et du caoutchouc.
  • L’un des premiers actes de l’EIC en 1885, est de confisquer par décret royal les soi-disant « terres vacantes ». Cet acte stipule que toutes les terres appartiennent à l’EIC, exception faite pour les terres où vit une tribu congolaise. Cela concerne plus de 95 % des terres, étant donnée la répartition de la population congolaise peu nombreuse de l’époque qui est expropriée de fait de tous ses territoires de cueillette et de chasse coutumiers.
    Le roi s’en réserve une grande partie qu’il va  directement faire exploiter à son profit :
    • le Domaine privé que l’EIC administré en Régie 
    • le Domaine de la Couronne d’une superficie de 250.000 km² octroyé à Léopold II par décret le 9 mars 1896.
  • Le reste va être attribué à des investisseurs sous forme de Concessions.
Partition du bassin du Congo par Léopold II

Acte II : La mise en place des impôts et du travail forcé
 

  • La mise en place d’axes de communication, pédestres, maritimes puis ferroviaires, et l’établissement de comptoires permettant de drainer les richesses du bassin du Congo s’avèrent complexes. En raison de la présence d’un parasite, la trypanosomiase qui a pour vecteur la mouche tsé-tsé, l’utilisation d’animaux de trait pour le transport de matériaux et de denrées est impossible. Le recours à des porteurs est l’unique option pour valoriser ce territoire.
     
  • En vue de mettre de la main-d’œuvre bon marché à la disposition du gouvernement et des capitalistes européens, les puissances coloniales soumettent les populations autochtones à des impôts écrasants qu’ils peuvent acquitter en partie sous forme de travail peu rémunéré. Dans l’EIC, le mode d’imposition hebdomadaire ou bimensuelle récurrente contraint le contribuable congolais à ne pas quitter son village et l’enchaîne comme un serf à ses tâches sans fin.
     
  •  Mais se pose très vite le problème du manque de main d'œuvre pour développer une activité commerciale rentable. Les estimations sur la densité de population du Congo rapportées par les premiers explorateurs européens s’avèrent en effet surévaluées, voire totalement erronées. Alors que Léopold II passe en Europe pour un philanthrope, le monarque résout le problème en recourant au recrutement contraint des populations, astreintes au travail forcé.
     
    EIC - Congolais enchaînés par la Force publique

Acte III : Le contrôle administratif

  • À l’occasion du partage des zones d’influences par les grandes puissances européennes alors implantées sur les côtes d’Afrique de l’ouest, il a été convenu que chacune pouvait étendre cette zone en profondeur dans les terres à condition de démontrer sa capacité à l’administrer. Afin de conforter leurs possessions coloniales, les puissances colonisatrices sont donc amenées à conclure des alliances locales et/ou livrer des guerres  de “pacification” pour  imposer leur suprématie.
     
  • L'État libre du Congo ne fait pas exception à la règle. Dès 1885, sur ordre de Léopold II, Camille Coquilhat met sur pied la Force publique (FP), premières troupes organisées du Congo. L’EIC va être confronté à de graves problèmes pour mener à bien l’occupation militaire de son immense zone d’influence. Il commence par s’allier avec les Arabes du Congo qui lui sont en fait particulièrement hostiles. Quand l’inanité de la collaboration apparaît clairement, Léopold lance une expédition contre eux. Il lui faut près de trois ans (1892 - 1895) pour les soumettre. Mais la conquête du Katanga, entamée en 1991, ne sera achevée qu’au début du XXème siècle.

Une nouvelle forme d’esclavage

  • Pour les Africains, vivant d’agriculture de subsistance avec peu de besoins personnels, le travail régulier est considéré comme un travail de femme, voire une forme d’esclavage. Alors qu’en Europe les abolitionnistes semblent avoir gagné la partie, Léopold II opte pour une nouvelle forme déguisée qui doit servir l’économie libérale : le travail sous contrainte.
     
  • Pour arriver à ses fins, l’administration coloniale n’a qu’une consigne : la peur doit remplacer l’absence d’ambition, de désir de s’enrichir et devenir le motif qui incite les Africains à travailler. Pour atteindre leurs objectifs économiques, les colonisateurs vont introduire dans le bassin du Congo une forme d’ultra-violence qui va se perpétuer dans cette région jusqu’à nos jours.
EIC - Récolte du caoutchouc

Organisation du travail forcé
 

  • Les populations locales sont contraintes par tous les moyens de fournir le caoutchouc aux milices de Léopold II recrutées dans les ethnies qui acceptent de coopérer avec les colonisateurs. Les récalcitrants, ou ceux qui ne rapportent pas les quantités fixées par avance, subissent les pires violences : chicotte, incendies des villages, mutilations, assassinats, quand leurs familles ne sont pas prises en otages !
     
  • Quant aux porteurs, recrutés de  force et accablés par un travail harassant, ils meurent par milliers de faim, de maladies ou d’épuisement, victimes des mauvais traitements, leur corps abandonné sans sépulture le long des chemins.

Organisation de la résistance
 

  • Dans un premier temps, la population indigène considère les agents de l’État libre du Congo comme des partenaires commerciaux et des alliés contre les négriers étrangers. Un certain nombre de populations asservies coopèrent avec les Belges pour se libérer de la tutelle des Yeke et des Arabes ou pour éliminer les trafiquants d’esclaves.
     
  • En outre, certains chefs africains (Tippu Tib et les fils de Msiri) pensent qu’en s’alliant avec les Européens, ils pourront satisfaire leurs visées expansionnistes tout en renforçant leur position intérieure. Mais, lorsque les fonctionnaires de l’État libre commencent à lever l’impôt et à recruter de la main-d’œuvre, les sociétés locales se rendent compte qu’elles ont, par inadvertance, aliéné leur autonomie.
     
  • Afin d’échapper à l’impôt ou au travail forcé, certaines communautés se sont rassemblées sur des territoires inexploités dans la forêt et les régions montagneuses. Entre 1885 et 1905, plus d’une douzaine de groupes théoriquement « soumis » du bas Congo et du Congo central se révoltent tels les Buja et les Boa qui s'insurgent à la fin du siècle contre le travail forcé dans les plantations de caoutchouc.
     
  • À l’apogée des luttes, les rebelles mobilisent plus de 5.000 travailleurs qui mènent une longue guérilla à partir de bases profondément enfoncées dans la forêt. Les Yakas dont la résistance est la mieux organisée, combattront efficacement les Européens pendant plus d’une décennie avant d’être finalement vaincus en 1906.

L’armée de l’État libre du Congo
 

  • Les administrateurs coloniaux s’emploient à détruire les autorités traditionnelles, tuant ou exilant les chefs les plus influents et récalcitrants. Ils les remplacent par des chefs désignés qui leur sont acquis, pensant avoir effectivement « occupé » leur territoire respectif, et donc interdit pratiquement toute possibilité de soulèvements ultérieurs.
     
  • Afin d’établir et maintenir l’ordre colonial, Léopold II aligne l’armée de l’État libre du Congo, composée de recrues africaines auxquelles sont adjoints quelques mercenaires hawsa ou venus de Zanzibar. Ces supplétifs mènent les opérations de guerre et de maintien de l’ordre sous le commandement d’officiers originaires d’Europe. Chassant sans relâche les réfractaires, les tirailleurs de la Force publique sont tenus d’en ramener une main droite à leurs officiers pour évaluer le nombre de leurs victimes et prouver qu’ils n’ont pas gaspillé leurs cartouches à la chasse. Si le nombre n’y est pas, ils n’hésitent pas à prélever une main  sur un sujet vivant dont de nombreux enfants. L’historien belge Jules Marchal estime que « la coupe des mains comme preuve de châtiment semble introduite par les Belges dans l'Ouest du Congo, et plus précisément par Victor-Léon Fiévez dans le district de l'équateur en novembre 1894 ».
     
  • Pour protester contre les abus des coloniaux dont ils ne sont pas entièrement à l’abri, contre les salaires de misère, les sanctions sévères et le comportement capricieux de leurs officiers européens, certains tirailleurs fomentent de violentes mutineries.
    • En 1895, sous la conduite de sous-officiers mutins, l’ensemble de la garnison de  Luluabourg s’insurge. Les soldats massacrent le chef de poste pour se venger de son intolérable tyrannie. Pendant plus de six mois, les rebelles contrôlent la presque totalité de la province de Kasaï, mais ils finissent par être vaincus par les troupes restées loyales.
    • En 1897, un sergent démobilisé de la force publique, Kandolo, déclenche une révolte militaire dont, à la différence d’autres mutineries, le but est de chasser les Européens et de libérer l’État libre du Congo.
       
  • Par ailleurs, le prestige de certaines familles royales plus ou moins destituées reste le plus souvent intact. Les fonctionnaires de l’État libre du Congo voient avec stupéfaction Mushidi, roi des Lunda qu’ils croyaient avoir assujetti, organiser une rébellion de grande envergure qui va durer de 1905 à 1909. 
     
  • Mais, compte tenu du déséquilibre des forces militaires en présence avec le développement d’une police et d’éléments mercenaires africains bien armés, toutes les révoltes finissent par être réprimées et échouer.

Conséquences démographiques
 

  • Bien qu’on ne dispose d’aucune statistique exacte de l’époque, tout le monde s’accorde sur un déclin brutal de la population du Congo entre 1890 et 1910, en lien avec à la convergence de nombreux éléments qui concourent soit à une augmentation du taux de mortalité, soit à une diminution du taux de fécondité déjà relativement bas dans cette région de l’Afrique. 
    • Pour concentrer les hommes là où le besoin s’en fait sentir, ou parce que certaines communautés africaines sont réputées meilleures ou plus consentantes au travail, l’administration coloniale organise des déplacements de la main-d’œuvre dont la mortalité est fréquemment extrêmement élevée. Les travailleurs transplantés, sont affectés par le changement de régime alimentaire voire la malnutrition, et exposés à des maladies nouvelles pour eux (variole, typhoïde, paratyphoïde, …). Les conditions régnant dans les camps de travail favorisent la propagation des maladies vénériennes et de l’entérite.
    • Sous le joug des colons, les exploitations agricoles sont peu à peu délaissées faute de bras pour s’en occuper et les populations ont de plus en plus de mal à subvenir à leurs besoins. Quant à la main-d'œuvre soumise aux  exactions des coloniaux et sans cesse renouvelée, son taux de mortalité est exorbitant.
    • Viennent s’ajouter les pertes secondaires à la répression des révoltes ultérieures et aux expéditions punitives que celles-ci déclenchent. Ces représailles causent de lourds dommages en raison de la disette qui suit le bouleversement des cycles de l’agriculture de subsistance. Exemple : l’interminable répression de la révolte de Batetela (1895-1907).
    • Enfin, la propagation des maladies vénériennes et la multiplication des avortements accroissent le taux de stérilité féminine. Quant à la maladie du sommeil qui frappe l’Afrique tropicale et dont le vecteur est la mouche tsé-tsé, elle ne cesse de progresser le long des nouvelles voies de communication et fait de nombreuses victimes tant chez les autochtones que les coloniaux. 
       
  • Confrontés à une absence totale de chiffres fiables pour dénombrer la population indigène du Congo, les historiens peinent à s'accorder sur l'ampleur du phénomène. Ainsi, quand le rapport du diplomate britannique Roger Casement en 1904 donne un chiffre de 3 millions de victimes, Forbath parle d’au moins 5 millions, Adam Hochschild, de 10 millions, Isidore Ndaywel è Nziem, historien congolais, de 13 millions. L’Encyclopædia Britannica donne une fourchette de 8 à 30 millions et l'historien et anthropologue Jan Vansina, estime à 50% la perte de population entre 1880 et 1920.

L'affaire des mains coupées

Les premiers témoignages
 

  • Dès 1895, des voix s’élèvent pour dénoncer les crimes perpétrés dans l’EIC. Citons quelques témoignages :
    • Dans le magazine américain Times du 18 novembre 1895, le missionnaire américain Murphy écrit :
      « La question du caoutchouc est au cœur de la plupart des horreurs perpétrées au Congo. Elle a plongé la population dans un état de total désespoir. Chaque bourg du district est forcé d'en apporter une certaine quantité tous les dimanches au quartier-général. Le caoutchouc est récolté par la force ; les soldats conduisent les gens dans la jungle ; s'ils ne veulent pas, ils sont abattus, leurs mains sont coupées et portées comme trophée au commissaire. »
Conférence de Berlin (novembre 1884 - février 1885)
  • Le journal belge Le Petit Bleu publie en avril 1900 des déclarations faites sous serment de soldats employés par la société anversoise du commerce au Congo. L'agent Morey confesse ainsi : « À Ambas, notre détachement de 30 soldats, placé sous les ordres de van Eycken, fut envoyé par lui dans un village pour vérifier que les indigènes étaient bien en train de récolter le caoutchouc et sinon de les tuer tous, hommes, femmes et enfants. Nous trouvâmes les indigènes assis paisiblement. Nous leur demandâmes ce qu'ils faisaient. Ils furent incapables de répondre, alors nous nous jetâmes sur eux et les âmes sans pitié. Une heure plus tard, nous fûmes rejoints par van Eycken, et nous lui dîmes ce qui avait été fait. Il nous répondit « C'est bien mais vous n'en avez pas fait assez ! » Alors il nous ordonna de couper les têtes des hommes morts et de les suspendre aux barrières du village, et de crucifier les femmes et les enfants morts sur les barrières. »
  • Dans sa nouvelle Heart of DarknessAu cœur des ténèbres ») parue sous forme de feuilleton dans le Blackwood's Magazine en 1899, Joseph Conrad dépeint la réalité brutale de la colonisation et de l’avidité d’ivoire à l’époque où il était capitaine de l'un des bateaux à vapeurs naviguant sur le fleuve Congo, dix ans auparavant.

La Congo Reform Association (CRA)
 

  • Edmund Dene Morel, embauché par la compagnie maritime Elder Dempster de Sir Alfred Jones qui assure la liaison Anvers - Boma, se trouve rapidement en contact avec l'Afrique occidentale. Examinant les cargaisons à destination de l'EIC, il est frappé par le fait qu'elles se composent principalement d'armes et d'une grande quantité de chaînes, ce qui l'amène à s’intéresser de plus près aux violences commises dans cette colonie belge et à s'interroger sur la situation humanitaire de cette région.

EIC- Congolais exposant des mains coupéeRecueillant des témoignages de plusieurs missionnaires protestants (le Suédois Sjöblom, les Américains Morrisson et Sheppard et le britannique Henry Guinness), il se lance dans une campagne de dénonciation des exactions commises au Congo, soutenu par Henry R.Fox Bourne et Charles Dilke de l'Aborigenes Protection Society qui devient son allié. Il quitte alors son emploi pour se consacrer au journalisme et publie hebdomadairement sur la situation au Congo dans le West Africa Mail, gazette qu'il a fondée. 

  • Le 23 mars 1904, avec Roger Casement, consul anglais témoin des atrocités du Congo et auteur d'un rapport sur les violences perpétrées, il fonde la Congo Reforme Association. Cette association qui a pour unique but de “ faire la lumière sur l'affaire congolaise et de pouvoir réparer les maux infligés aux races autochtones du Congo, c'est-à-dire d'entreprendre des réformes politiques dans cette région du monde, de faire cesser les atrocités et de rétablir la liberté de commerce ”, connaît un essor non seulement en Angleterre où elle recueille de nombreux soutiens grâce aux articles de Morel et aux conférences de Guinness, mais également dans le reste de l'Europe puis aux États-Unis avec notamment celui du Président Théodore Roosevelt. 
  • En 1905, Mark Twain publie l’ironique et implacable King Léopold’s Soliloquy (« Le Soliloque du roi Léopold ») où l’auteur imagine la réponse du monarque aux crimes dénoncés par la presse. Le souverain, cupide et sanguinaire, souligne notamment l’hypocrisie de la communauté internationale qui lui avait fait don de cette partie du Congo. Mark Twain désigne alors Léopold II comme "le roi avec dix millions de morts sur la conscience".
     
  • En 1909, Arthur Conan Doyle, qui a rejoint le mouvement, évoque la colonisation du roi en ces termes :
    « Beaucoup d’entre nous en Angleterre considèrent le crime qui a été commis sur les terres congolaises par le roi Léopold de Belgique et ses partisans comme le plus grand crime jamais répertorié dans les annales de l’humanité. Je suis personnellement tout à fait de cette opinion. »

Dans la thèse économiquement libérale, défendue abondamment par Doyle dans son pamphlet “Le crime du Congo”, la liberté du commerce est plus efficace, moins coûteuse en vies humaines, que la force des armes et doit donc être privilégiée.

Mark Twain - King Leopold's Soliloquy

Le roi des Belges mène la contre-attaque
 

  • En Belgique, le commerce avec la colonie apporte une certaine opulence qui se traduit par la transfiguration d’un certain nombre de grandes villes, notamment Bruxelles et Ostende où Léopold II, passionné  d’urbanisme, tient à laisser son empreinte. Peu de voix osent s’élever pour critiquer le roi couvert par le silence assourdissant de la hiérarchie catholique. Isolé, le député socialiste Emile Vandervelde porte courageusement la contestation.
     
  • Léopold II se sentant néanmoins menacé, réfute en bloc les accusations qu’il attribue à une campagne de dénigrement orchestrée par les Britanniques. Il se lance dans de coûteuses campagnes de publicité et rétribue un certain nombre de journalistes de différents pays pour écrire des articles en faveur de la colonie.
     
  • Le 23 juillet 1904, il institue par décret une « Commission pour la protection des indigènes » à caractère international visant à « rechercher si, dans certaines parties du territoire, des actes de mauvais traitement étaient commis à l'égard des indigènes, soit par des particuliers, soit par des agents de l'État [et] de signaler éventuellement les améliorations utiles ». Cette commission, dont les conclusions sont plus modérées que celles du Rapport Casement, relève cependant de nombreux dysfonctionnements notamment dans l’exploitation des Concessions pour lesquelles elle formule des recommandations.
     
  • Après la révolte des Budja, en 1905, Léopold II retire officiellement les pouvoirs accordés aux compagnies concessionnaires et confie la surveillance de la production des richesses du pays à ses propres agents. Mais en dépit de quelques mesures disciplinaires, les agents locaux continuent, le plus souvent, à couvrir les abus commis par les sociétés dans lesquelles ils ont parfois des intérêts.

Le Congo, colonie belge
 

  • Devant le tollé que provoque la révélation des violences perpétrées en son nom au Congo et sous la pression du gouvernement américain du président Theodore Roosevelt qui s’est joint finalement aux Britanniques, Léopold II lâche sa juteuse propriété (il n'y a jamais mis les pieds). Il parvient néanmoins à encore en tirer profit puisqu'il la vend en 1908 à la Belgique. À la tête d’une nation coloniale, il meurt peu après en ayant fait de la Belgique l’une des premières puissances mondiales en moins de trente ans.
  • Contrairement à l'EIC, qui n'avait jamais été géré par une Constitution, la Belgique dote sa colonie d'une Loi fondamentale, la "Loi sur le gouvernement du Congo belge" votée le 18 octobre 1908. Cette loi, souvent qualifiée de "Charte coloniale", prive toutefois tant les colons blancs que la population noire de tout droit politique.
    Elle restera en vigueur, moyennant quelques modifications, jusqu'à l'octroi de l'indépendance au Congo, le 30 juin 1960, après 52 ans de colonisation.
     
  • Jules Maréchal, estimera justes les propos de Morel affirmant que « la colonisation belge - dans son premier stade - a été la plus effroyable des colonisations après celle des Espagnols en Amérique indienne au XVIème siècle. ».
Code & Lois du Congp belge

En 1924, Edmund Dene Morel, fut nominé pour le Prix Nobel de la paix pour son action déterminante au sein de la CRA, l’un des tout premiers organismes consacrés à la Défense des droits de l’homme.

Animation H2E#12 - Les petites mains du caoutchouc

EIC - Les petites mains du caoutchouc (Animation)