Glossaire

« Utiliser le bon mot, la bonne notion, le bon concept, avec la définition la plus couramment acceptée, ou mieux avec la définition la mieux acceptée et comprise relève parfois de l’exploit, … »
                                                     
 Patrick Triplet.

> Par cette citation, je souhaite rendre un vibrant hommage au travail de Titan réalisé sur plus de dix ans par ce biologiste, docteur en écologie dont l’ouvrage "Dictionnaire encyclopédique de la diversité biologique et de la conservation de la nature" constitue la source de très nombreuses définitions présentes dans ce glossaire. Utiliser un langage dont les mots recouvrent des concepts clairement définis permet à chacun d’aborder et de comprendre des domaines qui ne sont pas forcément de sa compétence.

> Ce glossaire qui regroupe plus de 6 000 définitions accompagnées de leur traduction anglaise est là pour vous y aider. Il couvre les domaines complémentaires que sont la Géographie, l’Écologie et l’Économie, sans oublier de faire un petit détour par la Finance qui régit dans l’ombre une bonne part de notre existence.

> Par lui-même, de définition en définition, ce glossaire vous invite à explorer l’univers riche de la conservation des milieux naturels, d’en comprendre les mécanismes et les enjeux.

À toutes et tous, nous souhaitons : “Excellente lecture et bon voyage”.

Métapopulation

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Terme Définition
Métapopulation

♦ Le concept de métapopulation a été introduit par Andrewartha et Birch en 1954 qui écrivent qu'une population naturelle occupant une large région est constituée d'un ensemble de populations locales qui peuvent montrer des dynamiques individuelles propres, allant dans différentes directions au même moment. Levins a le premier utilisé le terme métapopulation pour décrire son concept de « population de populations qui s'éteignent localement et recolonisent les sites inoccupés ».

> Il s'agit donc d'une population d'une même espèce fragmentée en plusieurs entités, fluctuant indépendamment les unes des autres, dont les individus conservent la possibilité de se reproduire et dont la survie à long terme de l'espèce dépend de l'équilibre entre les extinctions locales et les recolonisations des fragments de paysage. Les populations conservent la possibilité d'échanger des individus et de recoloniser des sites dans lesquels cette espèce s'est éteinte récemment. La fragmentation peut être naturelle ou liée à une action anthropique. L'écologie des métapopulations étudie la dynamique des populations fragmentées dans des habitats hétérogènes, par exemple, comment les populations pourraient répondre à des perturbations futures comme celles engendrées par le changement climatique.

> La théorie des métapopulations a permis de considérer les populations biologiques non plus comme des éléments isolés, mais comme faisant partie d'un ensemble de sous-populations, plus ou moins isolées géographiquement, mais interconnectées par des échanges d'individus qui contribuent à entretenir un flux de gènes entre les différentes sous-populations d'une même espèce. Ces échanges dépendent de l'aptitude des espèces à se disperser, mais aussi de la structure du paysage, facilitant plus ou moins ces transferts d'individus. Une métapopulation est donc un système qui persiste grâce à un équilibre dynamique entre des extinctions locales et l'établissement de nouvelles populations dans des sites devenus inoccupés.

> L'interruption des flux de gènes entre populations appauvrit les pools génétiques de chaque population, rendant plus vulnérables les individus au sein de ces populations isolées. De plus, l'interruption des flux d'individus peut conduire certaines populations à l'extinction lorsque les effectifs deviennent faibles et ne peuvent plus être rétablis par des apports extérieurs. Il est généralement considéré que chaque population est en déséquilibre génétique et démographique alors que la métapopulation est stable. Le meilleur moyen de maintenir la viabilité d'une espèce est donc de faciliter les flux entre les différentes populations qui la composent. Cette théorie est donc fortement associée au concept de connectivité et de corridor biologique. La théorie des métapopulations suggère que les populations dans des paysages bien connectés vont mieux se maintenir et recoloniser plus rapidement après une perturbation environnementale, par un effet dit de sauvetage (rescue effect).

Modèle de base des métapopulations (modèle de Levins)

> Ce modèle suppose que tous les sites potentiels ne sont jamais tous occupés par une espèce. Certains sont inoccupés et seront recolonisés tandis que des sites occupés verront leurs populations disparaître. Comme dans le modèle de Mac Arthur et Wilson en biogéographie insulaire, la proportion de sites occupés dépend de l'équilibre entre les processus d'extinction et de colonisation. L'évolution de la fraction de sites occupés par une espèce au cours du temps (dP/dt) est modélisée en la faisant dépendre de ces deux processus opposés :

dP/dt = c x P x (1 - P) - e x P

    où    • c   est la probabilité de coloniser un site inoccupé,
              • P   la proportion de sites occupés
              • 1-P   la proportion de sites inoccupés
              • e   le processus d'extinction qui s'exprime par le produit de la probabilité qu'un site occupé devienne vacant.

Pour que la population soit à l'équilibre, il faut que le taux de colonisation soit plus grand que le taux d'extinction. L'équilibre est atteint pour :

P = 1 - (e / c)

> La différence avec le modèle de l'équilibre dynamique de Mac Arthur et Wilson est que la colonisation ne se fait plus de manière constante à partir d'une source continue de propagules, mais que la source provient des sites déjà occupés. Le taux de colonisation c est donc pondéré par la proportion de sites occupés P. C'est parce que le système fonctionne sans source extérieure que le taux de colonisation doit être plus grand que le taux d'extinction pour atteindre un équilibre. Ce modèle se caractérise par les trois principaux traits du concept de métapopulation, qui supposent que la régulation des populations s'effectue au niveau global et non au niveau de chacune des populations :

  1. il y a asynchronie de la dynamique des populations locales,
  2. il y a dispersion entre les sites et
  3. la dynamique locale des populations est dépendante de la densitéet de ressources limitées.

Tous les sites sont supposés avoir la même taille et être équidistants.
Lorsque le taux d'extinction est très faible, la proportion de sites occupés dépend essentiellement du taux de colonisation et le taux n'est pas différent de celui obtenu avec le modèle de l'équilibre dynamique de Mac Arthur et Wilson.
Lorsque le taux d'extinction augmente, la proportion de sites occupés diminue très rapidement et dès que le taux d'extinction est plus grand que le taux de colonisation, la proportion des sites occupés tend vers zéro. Lorsque le taux de colonisation atteint 100 %, si le taux d'extinction est de 80 %, seul 20 % des sites seront occupés. Le modèle de l'équilibre dynamique de Mac Arthur et Wilson prédit une proportion de sites occupés égale à 55,56 %. Si on ajoute le paramètre D à l'équation pour inclure le taux de destruction des habitats, l'équation devient :

dP / dt = c x P x (1 - P - D) - e x P

avec comme point d'équilibre la valeur :

P = 1 - D - (e / c).

Il en résulte que l'existence d'un taux de destruction des habitats entraîne une disparition plus rapide des populations même si des habitats disponibles sont encore présents.
Lorsque la valeur D est plus grande ou égale à la valeur 1 - (e / c) soit la valeur d'équilibre en absence de destruction, la population s'éteint. Avec un tel modèle, où pourtant le taux de colonisation est trois fois plus grand que le taux d'extinction, 1/3 des sites ne sont pas occupés lorsqu'il n'y a aucune destruction d'habitat. Si le taux de destruction d'habitat atteint 50 %, la valeur d'équilibre tombe à moins de 20 %. Ce modèle ne tient compte que de la destruction des habitats, sans faire intervenir les conséquences de la fragmentation des habitats que sont l'isolement et la diminution des surfaces. Si la proportion d'habitats détruit atteint le niveau d'équilibre, la population n'a aucune chance de survie (seuil d'extinction).

Modèles complémentaires

> D'autres modèles ont été élaborés pour améliorer le modèle de Levins, en essayant notamment de le rendre spatialement plus explicite. Le modèle de Levins ne suppose en effet aucune autocorrélation spatiale pour les processus d'extinction et de colonisation. Par ailleurs, les sites sont vides ou occupés et la probabilité d'extinction ne dépend pas de la taille de la population.
Tant l'autocorrélation spatiale des phénomènes de colonisation et d'extinction que leur dépendance avec la densité des populations sont observées sur le terrain et doivent être intégrées dans le modèle.
On peut aussi tenir compte du rôle que l'immigration peut jouer en empêchant les extinctions locales (rescue effect).
La différence de qualité des habitats entre les différents sites conduit aussi à d'autres structures géographiques où certaines populations larges et stables sont entourées de populations de petite taille et instables. Si on inclut les différences de qualité des habitats dans le modèle, celui-ci devient un modèle "mainland-islands" ou "core-satellite populations".

 

La figure montre les différents types de configuration.
Les cercles représentent des sites qui sont occupés quand ils sont remplis.
Les tiretés représentent les frontières des populations et les flèches les directions de dispersion.

 

Les différents types de distribution des populations

Deux autres modèles opposés ont été décrits dans la littérature

1. Modèle des "patchy populations" ou "populations en archipel" >> Les flux de migrants sont tels que tous les sites potentiels sont occupés et en interaction étroite et qu'il n'y a pas de dynamique propre.

2. Modèle des "métapopulations non-équilibrées" >> Les flux de migrants sont nuls, les extinctions ne sont pas compensées par des colonisations. Dans ce dernier cas, seule la dynamique locale joue encore un rôle car la dynamique régionale est inexistante.

En nature, il est possible de rencontrer une mosaïque de ces différentes structures, en fonction de la fragmentation des habitats, de barrières s'opposant à la colonisation et du nombre et de la qualité des sites potentiels. Si on souhaite démontrer que la persistance d'une espèce vivant dans un espace fragmenté dépend de la dynamique régionale (métapopulation) et donc des échanges d'individus entre les populations, par opposition à la dynamique locale, on doit démontrer que les sites supportent :

  • des populations locales définies
  • qu'aucune des populations n'est suffisamment grande pour survivre de manière autonome
  • que les sites potentiels ne sont pas trop isolés pour empêcher toute colonisation,
  • que la dynamique locale est suffisamment asynchrone pour rendre improbable l'extinction simultanée de toutes les populations en même temps.

♦ Équivalent étranger : Metapopulation.