IUCN & ICCN Bonobo (Pan paniscus) : Stratégie de conservation 2012-2022
Auteurs:Aveling, Conrad; Cipolletta, Chloe; Maisels, Fiona; Williamson, Elizabeth A.
Année de publication:2013
Date de publication:2013
Le bonobo, Pan paniscus, est une espèce de primate classée en danger, endémique à la République Démocratique du Congo et qui ne se trouve que dans les forêts denses équatoriales au sud du fleuve Congo. L’aire de répartition est estimée à près de 565.000 km2, mais l’espèce est aujourd’hui gravement menacée, en particulier par le braconnage et le commerce de viande de brousse. Tuer ou capturer les bonobos quel qu’en soit l’objectif est illégal en vertu des lois nationales et internationales.
Au cours des trois dernières décennies, les organisations de recherche et de conservation ont soutenu les efforts du gouvernement de la RDC pour la protection des bonobos. Le déclin institutionnel, social et économique, combiné aux turbulences des guerres récentes, a intensifié la pression sur les bonobos en raison d’une exploitation non-durable des ressources naturelles par les populations urbaines et rurales. De grandes étendues de forêt pluviale se sont vidées de leur faune et l’habitat adapté aux espèces a considérablement diminué. Pour aider à résoudre ces problèmes, le Groupe de spécialistes des primates de la CSE/UICN a facilité un processus de consultation participatif afin d’analyser les obstacles rencontrés pour la conservation des bonobos. Trois groupes de travail (appelés Conservation Challenges Working Groups ou CCWG) ont été créés lors d’une table ronde à Kinshasa en mars 2010. Sous la direction de l’institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire, l’un de ces groupes a compilé et analysé toutes les données d’inventaire disponibles sur les bonobos et a modélisé la présence de bonobos et leur habitat (Hickey et al. 2012). Cette évaluation a permis d’identifier quatre blocs importants de présence de bonobos: le «bloc Nord» (Maringa-Lopori-Wamba), le «bloc Est» (Tshuapa-Lomami-Lualaba), le «bloc Sud» (Salonga) et le «bloc Ouest» (Lac Tumba-Lac Mai Ndombe). Cette analyse montre que malgré les efforts entrepris, les données rassemblées entre 2003 et 2010 couvrent moins de 30% de l’aire de répartition du bonobo. En raison de l’insuffisance des données, le nombre total de bonobos ne peut être estimé mais selon les inventaires systématiques, la population minimale devrait se situer autour de 15.000 à 20.000 individus. Lors de la modélisation, des polygones de zones ayant fait l’objet d’inventaires récents ont été placés sur la carte finale indiquant les conditions adéquates pour les bonobos. Les endroits qui n’ont pas été prospectés mais favorables à la présence de bonobos, à l’intérieur comme à l’extérieur d’aires protégées, ont été ainsi identifiés. Il est apparu clairement que les zones adaptées sont fragmentées, non seulement par les cours d’eau et les savanes mais également en raison d’activités humaines. La dernière étape du processus a été l’organisation d’un atelier sous l’égide de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, réunissant l’ensemble des acteurs et des organismes impliqués dans la conservation des bonobos. Au total 68 personnes, représentant 33 organisations et départements gouvernementaux ont participé au développement d’une stratégie de conservation des bonobos. Les participants à l’atelier ont formulé la vision et le but suivants pour la stratégie:
Vision D’ici à 2050, les populations de bonobos sont viables et en croissance dans leur aire de répartition par rapport aux inventaires de 2008 à 2015, subissent des menaces minimales, et leur survie à long terme est assurée. But D’ici à 2022, les zones prioritaires pour la conservation des bonobos sont gérées et protégées de façon efficace, les principales menaces actuelles sont réduites, et les populations connues de bonobos sont stables par rapport aux inventaires de référence. Le classement des menaces par les participants à l’atelier, en fonction de leur envergure spatiale, de leur sévérité et de leur réversibilité a révélé que la chasse est de loin la menace la plus importante pour les bonobos. La première priorité de la stratégie de conservation devrait ainsi être de réduire le niveau de mortalité lié à la chasse. La perte de l’habitat due à la déforestation et à la fragmentation arrive en deuxième position même s’il faut reconnaître que la faune disparaît souvent des forêts avant même la destruction de l’habitat. Les maladies sont considérées comme une menace qui gagnera en importance à l’avenir. Les menaces indirectes sont les facteurs qui contribuent à la persistance de menaces directes. Ces facteurs sont étroitement liés entre eux et au contexte socioéconomique et politique difficile ainsi qu’aux problèmes de gouvernance qui en résultent. Les menaces indirectes sur les bonobos sont le commerce de viande de brousse, la prolifération des armes et des munitions, une mauvaise
application des lois, la faiblesse de l’engagement des parties prenantes en faveur de la conservation, la croissance démographique, l’expansion de l’agriculture itinérante sur brûlis, le manque d’alternatives de subsistance et les activités industrielles à but commercial (agriculture, exploitation forestière, minière et pétrolière et le développement d’infrastructures associées) qui peuvent avoir un impact négatif énorme.
Les objectifs, les stratégies d’intervention et les actions ont été développés lors de l’atelier. Les objectifs de la stratégie globale relèvent de quatre principales stratégies d’intervention:
1. Renforcement des capacités institutionnelles. Les objectifs comprennent la création de nouvelles aires protégées, l’élimination de la chasse dans les aires protégées, la surveillance et le contrôle du commerce de viande de brousse, l’élimination de la circulation des armes et des munitions dans les aires protégées et la collaboration avec les compagnies forestières pour la mise en œuvre d’activités de protection de la faune dans leurs concessions.
2. Concertation et collaboration avec les acteurs locaux. Les objectifs comprennent l’intégration des questions de conservation des bonobos dans les plans nationaux de développement, l’élaboration de plans d’affectation des terres et de macro-zonage et la mise en œuvre d’activités alternatives durables de subsistance dans des sites clés.
3. Sensibilisation et lobbying. Les objectifs comprennent le développement d’une stratégie nationale de communication, le lancement d’activités de sensibilisation dans des sites clés, la sensibilisation de communautés urbaines et d’opérateurs du secteur privé et le lobbying de l’administration au niveau national et provincial.
4. Activités de recherche et de suivi. L’objectif est de mettre au point un cadre clair de suivi. La nécessité des inventaires et du suivi des bonobos et des menaces (y compris les maladies/la santé) est implicite dans ce plan. Il s’agit de suivre l’évolution de la taille et de la distribution des populations, d’évaluer le niveau et l’implantation des menaces et d’évaluer le chemin parcouru par rapport au but et à la vision de la stratégie. Un plan sanitaire est également prévu, qui cible la prévention de la contamination entre humains et bonobos, prévoit un mécanisme de détection précoce et un plan d’intervention d’urgence pour contrer une apparition potentiellement catastrophique de maladies.
5. Financement durable. L’objectif est d’évaluer le financement nécessaire pour la conservation des bonobos et de créer des sources de financement durable. Il est recommandé de mettre en place un mécanisme de coordination des activités de conservation des bonobos et de mise en œuvre de la stratégie. Une fois le mécanisme établi, des propositions de projets et des plans d’activités détaillés seront développés pour atteindre les différents objectifs.
Pour plus de détails sur cette stratégie de conservation, consultez www.primate-sg.org/bonobo/